L’éruption du mont Ontake met en lumière la crise de la volcanologie japonaise

Société

Shozawa Shin’ichiro [Profil]

Le grand nombre de victimes de l’éruption récente du volcan Ontake met en évidence les faiblesses de la recherche volcanologique japonaise. Elles sont dues à des facteurs structurels, notamment le peu de place accordée à la géologie au Japon, la réforme du statut des universités nationales, ou encore le manque de postes de chercheurs.

Le nombre de chercheurs decroît et celui des éruptions augmente

Étant donné la situation difficile des universités, le ministère de l’Éducation, des Sciences et des Technologies a décidé de renforcer la surveillance de 16 des 33 volcans suivis par les universités, en laissant celle des 17 autres à la discrétion de chaque université. C’est une stratégie de management, baptisée « recentrage ». Le mont Ontake n’a pas été inclus dans la liste à surveillance renforcée, mais l’Université de Nagoya a continué à l’observer parce qu’il avait connu des éruptions mineures en 1979, 1991 et 2007.

« Les volcans semblent comprendre lorsque nous cessons de les surveiller », a-t-on entendu dire au sein des participants au colloque de la Société de volcanologie qui s’est tenu en novembre dernier à Fukuoka. Le volcan Shinmoedake des monts Kirishima a connu une éruption après la décision de l’Université de Tokyo, chargée de sa surveillance, de le mettre sous surveillance automatique. Un professeur de l’Université de Kyoto qui avait étudié les volcans dans la préfecture de Kagoshima pendant de longues années a pris sa retraite cette année, et en août, un volcan de l’île Kuchinoerabu a connu une coulée pyroclastique. Le mont Ontake a fait éruption en septembre alors que professeur de l’Université de Nagoya qui en était spécialiste venait de prendre sa retraite. Le système de surveillance va continuer à se dégrader.

C’est dans ce contexte que s’intensifient les demandes de la part de la société vis-à-vis des volcanologues. Les orientations de 2008 du bureau du Cabinet recommandaient la création d’un conseil de prévision des désastres pour chaque volcan actif, comprenant des chercheurs. Après l’éruption du mont Ontake, le gouvernement a décidé de renforcer la surveillance des volcans. Mais la pénurie d’experts est réelle.

Il faut créer une institution nationale

Cette crise n’est pas nouvelle, cela fait dix ans qu’elle a été signalée. Comment peut-on la résoudre ? Les chercheurs réclament la création d’une "Agence pour les séismes et les volcans", qui serait un organisme national de recherche sur les volcans.

Il n’y a pas au Japon d’institution chargée à la fois de la surveillance des volcans et de la recherche volcanologique, alors qu’il en existe dans plusieurs pays qui ont des volcans, notamment les États-Unis, l’Italie, ou encore l’Indonésie. Ces instituts emploient de jeunes chercheurs qui ont étudié la volcanologie. Il faut aussi envisager sérieusement de leur offrir des postes au sein de l’Agence météorologique ou des collectivités locales.

Au final, les universités ne peuvent s’occuper seules du problème et il faut un effort au niveau national. Le Japon compte 7 % des volcans actifs au monde, et la chance a fait qu’il n’y a pas eu d’éruption majeure au XXe siècle. Selon les spécialistes, il n’y aurait rien d’étrange à ce que le pays connaisse durant notre siècle cinq ou six éruptions du même ordre que celle de l’éruption du volcan Sakurajima en 1914.

Le gouvernement a créé une Agence nationale de la consommation, et une autre pour le tourisme. Il étudie la création d’une Agence des sports, mais ne considère pas celle d’un institut national consacré aux volcans comme une priorité. Il est possible que rien ne change tant que le mont Fuji ne connaîtra pas d’éruption majeure, mais il n’est pas certain qu’il y ait encore des volcanologues lorsque cela arrivera.

(D’après un original en japonais paru le 17 novembre 2014. Photo de titre prise par l’auteur le 7 octobre 2014 : les restrictions d’accès à la montagne dans le village de Tamamura, préfecture de Nagano en raison de l’éruption actuelle du Ontake.)

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Shozawa Shin’ichiroArticles de l'auteur

Né en 1966. Membre du comité de rédaction et du comité éditorial de l’agence de presse Kyôdô où il entre en 1989. Il est en poste au bureau de Nagasaki lorsque survient en 1991 l’éruption du volcan Unzen-Fugen. De 1994 à 1996, il travaille dans le bureau de Hakodate, et couvre le tremblement de terre de l’île Okushiri ainsi que les éruptions du volcan Komagatake. Il est ensuite affecté au service faits divers de Tokyo puis dans le service rédaction de Sendai, ce qui lui fournit d’autres occasions de couvrir des désastres. Membre de la Société volcanologique japonaise et administrateur de la Société japonaise pour la reconstruction après les catastrophes naturelles, il est aussi chercheur invité au Centre d’études sur l’administration de la reconstruction après les catastrophes naturelles de l’Université Kwansei Gakuin.

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