L’éruption du mont Ontake met en lumière la crise de la volcanologie japonaise

Société

Shozawa Shin’ichiro [Profil]

Le grand nombre de victimes de l’éruption récente du volcan Ontake met en évidence les faiblesses de la recherche volcanologique japonaise. Elles sont dues à des facteurs structurels, notamment le peu de place accordée à la géologie au Japon, la réforme du statut des universités nationales, ou encore le manque de postes de chercheurs.

Des volcanologues au chômage

Selon les services du ministère de l’Éducation, des Sciences et des Technologies, le nombre de chercheurs dans le domaine de la surveillance volcanologique ne cesse de diminuer, et il n’y en a plus que 47 au Japon aujourd’hui, alors qu’en Italie, où ce domaine est considéré comme une priorité nationale, ils sont plus de 150, même si la définition de leur travail n’est pas tout à fait la même. Au Japon, seuls les volcans Usu, Unzen-Fugen, Sakurajima, Aso, et Kusatsu-Shirane ont un « docteur » à leur chevet. L’Université de Tokyo avait autrefois du personnel dans plusieurs stations d’observation des volcans, notamment sur le mont Kirishima ou à Izu-Ôshima, mais aujourd’hui, la plupart de ces volcans sont surveillés uniquement par des appareils. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas évoqué la gravité de ce problème dont les racines sont très profondes.

Le nombre d’étudiants qui choisissent d'étudier volcanologie continue à baisser. C’est en partie lié au système d’admission dans les universités : très peu d’étudiants choisissent les sciences de la terre comme matière à présenter à l’examen. Le nombre d’enseignants de cette matière dans les lycées est en effet de loin inférieur à ceux qui enseignent en physique, chimie ou sciences de la vie.

Il y a très peu de travail pour les étudiants qui ont choisi la volcanologie à l’université, et le nombre de postes pour ceux qui ont obtenu un doctorat dans cette matière ne cesse de diminuer. Les étudiants ayant achevé leur doctorat ont aujourd’hui de grandes difficultés à trouver un emploi stable dans la plupart des secteurs de l’enseignement supérieur, et pas seulement en volcanologie. Beaucoup d’étudiants ayant fait un master en volcanologie ne continuent pas en doctorat, car ils constatent les difficultés des docteurs en volcanologie à trouver du travail. Un chercheur d’une université nationale regrette que certaines années, seul un dixième des étudiants effectue un master. L’Agence météorologique n’a aucun cadre d’emploi pour les volcanologues.

La société de liaison sur la prévision volcanique tient la première réunion du nouveau groupe d’études sur les informations sur les volcans. (Agence météorologique du Japon à Tokyo, 27 octobre 2014. Photo : Jiji Press)

Des crédits de recherche en baisse depuis la réforme des universités nationales

Depuis la réforme de 2004 transformant les universités nationales en entreprises publiques administrativement indépendantes, le gouvernement ne cesse de diminuer leur subvention. Les crédits de recherche baissent parce qu’ils sont attribués en fonction de la productivité, et les chercheurs se battent pour conserver les postes qu’occupaient des enseignants partis à la retraite et pour assurer l’entretien des instruments de mesure. Le nombre de documents à rédiger et de réunions a par contre considérablement progressé. Alors que dans le domaine de la volcanologie ou de la sismologie, les informations obtenues grâce à des observations régulières pendant des années peuvent conduire à de nouvelles recherches et de nouvelles découvertes, on exige des résultats à court terme.

Les publications sont un indicateur aisément compréhensible dans l’évaluation des chercheurs. Les volcans qui n’ont pas fait éruption depuis longtemps ne sont pas considérés comme de bons sujets de publication. Si un chercheur joue un rôle de « médecin du volcan » et apporte sa contribution à la localité où est situé le volcan, ce genre d’activités n’est pas toujours apprécié au sein de son université. De nombreux universitaires ont fait part de leurs craintes sur l’avenir de la recherche fondamentale ou des recherches à long terme sur les volcans au moment du changement de statut des universités nationales, mais la société ne les a pas écoutés.

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Shozawa Shin’ichiroArticles de l'auteur

Né en 1966. Membre du comité de rédaction et du comité éditorial de l’agence de presse Kyôdô où il entre en 1989. Il est en poste au bureau de Nagasaki lorsque survient en 1991 l’éruption du volcan Unzen-Fugen. De 1994 à 1996, il travaille dans le bureau de Hakodate, et couvre le tremblement de terre de l’île Okushiri ainsi que les éruptions du volcan Komagatake. Il est ensuite affecté au service faits divers de Tokyo puis dans le service rédaction de Sendai, ce qui lui fournit d’autres occasions de couvrir des désastres. Membre de la Société volcanologique japonaise et administrateur de la Société japonaise pour la reconstruction après les catastrophes naturelles, il est aussi chercheur invité au Centre d’études sur l’administration de la reconstruction après les catastrophes naturelles de l’Université Kwansei Gakuin.

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