Robots humanoïdes japonais : enfin l'heure de la consécration ?

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Après une période de stagnation, l’industrie japonaise des robots humanoïdes est en train de trouver un second souffle. Shimizu Masaharu, de l’Institut de technologie de Chiba, compte parmi les chercheurs qui se trouvent à l’avant-garde de la R&D en ce domaine. Il partage ici avec nous son point de vue sur l’état actuel de la technologie robotique et ses perspectives d’avenir.

Les avantages d’une collaboration entre les États-Unis et le Japon

Le Japon et les États-Unis ont conclu un accord sur un projet commun de R&D et de vérification portant sur les robots destinés aux secours en cas de catastrophe. Cet accord a aussi pour objectif d’encourager les initiatives japonaises visant à mettre au point des robots pour le concours DRC. « Les Américains sont conscients du haut niveau de la technologie japonaise des humanoïdes », remarque M. Shimizu, « et ils ne demandent pas mieux que d’intégrer ces connaissances. »

Pour les Américains, il est clair que l’acquisition de ces technologies présente des avantages, mais, comme l’explique M. Shimizu, cette collaboration bénéficierait aussi au Japon : « Le grand intérêt du concours DRC réside dans le fait qu’il nous permet d’avoir accès au parcours d’essai sur lequel il se fonde. Il nous permet de procéder à des démonstrations à grande échelle dans un éventail de tâches et nous fournit l’occasion de conduire des tests de performance. Cette opportunité peut constituer un tremplin pour accélérer le rythme de l’élaboration des robots. »

Les préparatifs sont d’ores et déjà en cours pour le prochain concours. « En réponse à une demande du ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, l’Université de Tokyo, l’Université d’Osaka, l’Université de Kobe et l’Institut de technologie de Chiba ont mis sur pieds une équipe chargée de mener à bien un projet commun de mise au point d’un robot humanoïde à deux jambes et deux bras en vue de le présenter en juin 2015 au concours DRC. Je pense que le savoir-faire en matière de secours en cas de catastrophe que nous avons acquis à travers la conception de Sakura N° 1 et 2 nous sera utile à bien des égards dans cette tentative. »

Les entreprises américaines dépensent sans compter pour acheter des robots

Depuis quelques années, les nouvelles entreprises de robots sont rachetées les unes après les autres par d’autres sociétés, notamment Google. Ce phénomène reflète l’accélération des investissements effectués dans la robotique par les géants américains de la technologie de l’information et les grands fonds de capital-risque. En vérité, dit M. Shimizu, les États-Unis sont actuellement le théâtre d’une sorte de « boom des robots ».

« Il semble en effet que les entreprises américaines soient désormais convaincues que la technologie robotique va entrer incessamment dans sa phase de plein épanouissement. Dans le même temps, au Japon, le secteur privé et le secteur public investissent massivement dans diverses initiatives et projets patronnés par le gouvernement. Mais quelle que soit l’avance du Japon en ce domaine, il faut encore que les investissements débouchent sur des applications pratiques et la commercialisation des robots. Cette situation d’expectative retient les investisseurs de se ruer franchement sur ce secteur. »

Le Japon a en outre été lent à percevoir le potentiel de la technologie des robots dans des domaines où ils s’avèrent utiles aux gens dans leur vie quotidienne. C’est tout le contraire de la société américaine iRobot, qui a lancé dès 2002 son aspirateur automatique Roomba, et l’a vendu dans le monde entier. Ce n’est que tout récemment que des entreprises japonaises comme Toshiba et Sharp ont commencé à se lancer dans la production de robots ménagers.

Le 5 juin 2014, le président de SoftBank Son Masayoshi (à droite) et le PDG de sa filiale Aldebaran Robotics, Bruno Maisonnier, ont présenté Pepper, un robot capable de lire les émotions. (Jiji Press)

Mais Shimizu Masaharu remarque aussi que l’acquisition de la société française Aldebaran Robotics par SoftBank en 2012 en vue de produire le robot Pepper a contribué à dynamiser le marché des robots ménagers et donné une forte impulsion à l’industrie japonaise des robots. « La confirmation qu’il y avait, parmi les investisseurs et les chefs d’entreprise japonais, des gens capables de sentir que la technologie des robots était sur le point de décoller fut un réconfort. »

M. Shimizu veut préserver le sentiment d’excitation que lui procure la créativité à l’œuvre dans la robotique, qui promet d’apporter au monde quelque chose de neuf et de le faire bouger.

« Il y a des gens qui pensent que le secteur des robots de service piétine du simple fait qu’il est difficile de décrocher un budget pour la fabrication, à moins d’être en mesure d’associer des technologies existantes en vue de concevoir des produits utiles correspondant aux besoins des consommateurs, après quoi le marché entre de lui-même en action. C’est vrai, mais rien de neuf n’émergera jamais si l’on s’en tient à ces calculs. L’approche optimale, je pense, c’est que les chercheurs eux-mêmes se posent vraiment la question de savoir ce qu’il y a dans le vaste monde qui les excite, puisqu’ils entreprennent de créer quelque chose qui, à son tour, excite les autres gens. Je me souviens de l’exaltation que j’ai ressentie lors de mon premier contact avec la R&D en robotique. Il me semble que l’environnement susceptible de nourrir ce sentiment est enfin en place. »

(D’après une interview effectuée en japonais le 19 août 2014. Photographies de Yamada Shinji)

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