Robots humanoïdes japonais : enfin l'heure de la consécration ?

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Après une période de stagnation, l’industrie japonaise des robots humanoïdes est en train de trouver un second souffle. Shimizu Masaharu, de l’Institut de technologie de Chiba, compte parmi les chercheurs qui se trouvent à l’avant-garde de la R&D en ce domaine. Il partage ici avec nous son point de vue sur l’état actuel de la technologie robotique et ses perspectives d’avenir.

Les robots dédiés aux secours en cas de catastrophe

Outre les robots humanoïdes tous usages, il existe des robots spécifiquement conçus pour répondre aux besoins générés par les catastrophes. Et la nécessité de ces robots est beaucoup plus largement reconnue depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima consécutive au séisme et au tsunami de mars 2011. Le premier robot fabriqué au Japon utilisé après la catastrophe sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima a été Quince, un robot mis au point à l’Institut de technologie de Chiba, mais avant cela, des robots PackBot, construits aux États-Unis, avaient été rapidement déployés dans l’enceinte du réacteur, comme le rappelle M. Shimizu :

« À l’époque, des critiques nous sont parvenues en provenance de gens qui se demandaient pourquoi on avait fait appel à un robot américain alors que le Japon était un leader mondial dans la technologie des robots. Des voix se sont élevées pour demander pourquoi on n’avait pas eu recours à ASIMO. Mais les technologies dont était équipé ce genre de robots ne dépassaient pas le stade de la démonstration ou du divertissement.

« PackBot, en revanche, est un robot “crawler” destiné à la reconnaissance militaire, qui peut aussi mesurer la radioactivité. Mais pour ce qui est de se déplacer sur des décombres ou de gravir des escaliers étroits et raides, il était moins performant que notre robot Quince, sur lequel nous travaillions depuis le grand séisme de Kobe de 1995, dans l’idée de produire un robot capable de traverser une zone jonchée de décombres pour y effectuer des opérations de recherche. Toutefois, Quince n’était pas conçu spécifiquement pour une centrale nucléaire. Nous avons passé trois mois à le reconfigurer pour qu’il puisse fonctionner dans un environnement radioactif, après quoi nous l’avons déployé à Fukushima. Les caméras dont il est équipé lui ont permis de prendre des photos à l’intérieur du bâtiment du réacteur et de grimper jusqu’au quatrième étage.

« Il a réussi à photographier la situation au quatrième étage du réacteur de l’Unité 2 de Fukushima Daiichi. Malheureusement, sur le chemin du retour, le câblage du robot s’est trouvé coincé quelque part autour du deuxième étage et il a cessé de fonctionner. Nous avons procédé à des modifications pour éviter que ce problème se reproduise, et la version améliorée du robot que nous avons envoyée sur les lieux est revenue sans incident du quatrième étage. Ces robots sont toujours en service pour surveiller la situation à l’intérieur des réacteurs. »

L’université a également mis au point des robots spécialement conçus pour les catastrophes nucléaires. Sakura N° 1 est l’un d’entre eux ; beaucoup plus petit que Quince, il est capable de manœuvrer dans des espaces plus réduits. L’autre robot, Sakura N° 2, est équipé d’un bras optionnel qui peut se déployer jusqu’à une distance de deux mètres, avec une caméra fixée à son extrémité, ce qui lui permet d’effectuer des observations dans des zones difficiles à atteindre ou des espaces étroits sans avoir à y pénétrer.

Un robot japonais gagne un concours de robotique

Pendant que le Japon, confronté aux nécessités mises en évidence par la catastrophe nucléaire de mars 2011, progressait dans le perfectionnement de robots conçus pour faire face aux conséquences de ce genre de désastre, les États-Unis se concentraient sur la R&D visant à doter leurs robots humanoïdes polyvalents d’une plus grande efficacité dans les tâches liées aux secours en cas de catastrophe. Vers la fin de l’année 2013, leur Agence des projets de recherche avancée en matière de défense (DARPA) a organisé un concours baptisé DRC, pour DARPA Robotics Challenge, dans l’idée de promouvoir la conception de robots capables de faire face à une crise consécutive à une catastrophe provoquée par l’homme, par exemple un accident nucléaire. Pour participer au concours, les robots doivent être capables d’accomplir huit tâches différentes, et notamment la manœuvre d’un véhicule à moteur. Ils doivent, autrement dit, être dotés de capacités quasi humaines.

M. Shimizu, qui est allé aux États-Unis assister au concours, nous a fait part de ses impressions : « C’est un robot mis au point par la société Schaft, une co-entreprise née à l’Université de Tokyo, qui a remporté le concours DRC. Le robot vainqueur a deux bras et deux jambes, mais, contrairement aux êtres humains, il n’a ni devant ni derrière. Cette configuration lui donne une grande flexibilité pour mener des opérations sur le site d’une catastrophe. Il est une épreuve, toutefois, qui a mis le robot en difficulté pendant la compétition : le franchissement d’un tas de décombres, qui lui a demandé beaucoup plus de temps qu’il en a fallu aux robots du type crawler. »

« Si l’on regarde globalement les résultats, le robot humanoïde ATLAS prêté par le DARPA mis à part, les robots présentés par la majorité des équipes les plus performantes n’avaient pas été conçus à l’image de l’homme ; il y avait, par exemple, un robot simiesque capable de marcher à quatre pattes ou de rouler sur des chenilles fixées à ses membres. Le concours a montré à quel point les robots humanoïdes ont besoin d’améliorations à divers égards. Mais dans le même temps, la performance du robot Schaft m’a donné l’impression que le Japon a pas mal d’avance en matière de technologie des humanoïdes. Je dois signaler que l’entreprise a été rachetée par Google en novembre 2013. »

Le robot conçu par la société Schaft est capable de manœuvrer un véhicule à moteur. © DARPA

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