La hausse du salaire de base conduira-t-elle à une amélioration de la conjoncture ?

Politique Économie

Harada Yutaka [Profil]

Lors de la rencontre avec les représentants des dirigeants d'entreprises et des syndicats tenue en décembre dernier, le gouvernement a préconisé une augmentation du salaire de base, et non une simple augmentation des deux bonus annuels. Par suite, les principales entreprises japonaises ont répondu favorablement dans le cadre des traditionnelles négociations de printemps sur les salaires. Quelle signification aura pour l'économie japonaise cette augmentation « impulsée » par le premier ministre ? Harada Yutaka, professeur d'économie à l'université Waseda et chercheur invité à la Tokyo Foundation, l'explique.

Le nombre d'heures travaillées en hausse depuis le lancement des Abenomics

La figure 2 montre l'évolution des gains salariaux, du nombre d'heures travaillées, du salaire horaire, du nombre total d'heures travaillées et du salaire total depuis 1990 jusqu'à aujourd'hui (2010 = 100). Le nombre d'heures total représente les heures travaillées multipliées par le nombre d'employés, et indique le total des heures travaillées par tous les employés. Les gains salariaux, les heures travaillées, et le salaire horaire figurent par salarié, tandis que le nombre d'heures total et le total des salaires représentent le total de tous les employés.

Si l'on considère l'évolution à partir de décembre 2012, c'est-à-dire à partir du moment où les Abenomics ont été lancées, les variations d'un mois sur l'autre pour des gains salariaux, des heures travaillées, du salaire horaire sont trop importantes pour permettre de comprendre s'ils augmentent ou diminuent. Mais le nombre d'heures total et le total des salaires augmentent depuis cette date. Ce qui revient à dire que jusqu'au début de 2014, les salaires n'ont pas augmenté, mais le total des salaires est en hausse parce que l'emploi progresse. Si le total des salaires augmentaient purement, l'ensemble des Japonais devraient ressentir l'amélioration.

Il faut attendre de disposer de données à plus long terme à ce sujet pour pouvoir en dire plus. Cependant, comme on prévoit que les salaires vont augmenter à partir d'avril 2014, le salaire horaire devrait lui aussi progresser. Par ailleurs, si l'on considère ces informations dans une perspective longue, on découvre un autre fait du plus haut intérêt.

Une augmentation déraisonnable des salaires conduit à un ralentissement de l'économie

Tournons-nous à nouveau vers la figure 2, et intéressons-nous à la période 1990-1997 : les gains salariaux progressent, alors que les heures travaillées diminuent. Le salaire horaire obtenu en divisant la rémunération totale par le nombre d'heures travaillées progresse plus rapidement que le montant de la rémunération totale. Entre 1990 et 1998, le salaire horaire et la rémunération totale ont progressé respectivement de 23 et 25 %. Pendant la même période, la conjoncture s'est détériorée à de nombreuses reprises, et le PIB nominal n'a progressé que 15 %. Si seuls les salaires progressent dans un contexte économique défavorable, les profits diminuent, les dépenses d'investissement baissent, et bien entendu l'économie stagne. C'est une des raisons de la stagnation de l'économie japonaise depuis 1990.

Ensuite, les salaires ont baissé, puis se sont stabilisés vers 2002. Il y a eu une correction des salaires qui étaient jusqu'alors trop élevés. La conjoncture s'est en conséquence améliorée, et l'économie japonaise a retrouvé un rythme annuel de croissance de l'ordre de 2 %, pour s'arrêter à nouveau avec la faillite de Lehman Brothers et ses conséquences. Aujourd'hui, elle est en train de se relever avec les Abenomics.

On comprend de tout cela qu'une augmentation des salaires contraire à la réalité de la situation économique conduit à une stagnation de l'économie. En d'autres termes, augmenter les salaires de manière déraisonnable peut avoir un effet néfaste sur l'économie. Les salaires ont augmenté sous le gouvernement Koizumi à une époque où la croissance de l'économie n'était pas ressentie. Pour assurer la continuité de l'amélioration de la conjoncture grâce aux Abenomics, mieux vaut d'abord attendre que le taux de chômage baisse grâce à la reprises de la conjoncture immédiate, et ensuite que les salaires augmentent en raison de la pénurie de main d'œuvre.

(D’après un texte original en japonais du 23 avril 2014. Photo de titre : Jiji Perss)

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Harada YutakaArticles de l'auteur

Né en 1950, M. Harada, conseiller au Daiwa Institute of Research, est chercheur senior à la Tokyo Foundation. Après des études d’économie agricole à l’Université de Tokyo, il entre à l’Agence de planification économique. Il obtient en 1979 un mastère en économie à l’université de Hawaii. Ancien chercheur senior à l’institut de recherche économique et sociale du secrétariat du premier ministre, M. Harada qui a été chef économiste à la banque Daiwa, est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Naze Nihon keizai ha umaku ikanai no ka (Pourquoi l’économie japonaise ne va pas bien).

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