La hausse du salaire de base conduira-t-elle à une amélioration de la conjoncture ?

Politique Économie

Harada Yutaka [Profil]

Lors de la rencontre avec les représentants des dirigeants d'entreprises et des syndicats tenue en décembre dernier, le gouvernement a préconisé une augmentation du salaire de base, et non une simple augmentation des deux bonus annuels. Par suite, les principales entreprises japonaises ont répondu favorablement dans le cadre des traditionnelles négociations de printemps sur les salaires. Quelle signification aura pour l'économie japonaise cette augmentation « impulsée » par le premier ministre ? Harada Yutaka, professeur d'économie à l'université Waseda et chercheur invité à la Tokyo Foundation, l'explique.

Une augmentation « impulsée » par le Premier ministre ?

Le rôle joué par le Premier ministre dans cette augmentation attire l'attention. Il s'explique par les critiques exprimées par les médias et l'opposition vis-à-vis de la « première flèche » des Abenomics, destinée à faire repartir l'économie en sortant de la déflation grâce à des mesures d'assouplissement monétaire. Pour ces critiques, ces mesures qui ont fait repartir les prix à la hausse ont rendu la vie des Japonais plus difficile puisque les salaires ne progressaient pas.

Le gouvernement a alors établi l'an dernier une nouvelle instance, la conférence des représentants du gouvernement, des dirigeants d'entreprises et des syndicats, dans le but de rassembler les partenaires sociaux autour de l'ambition gouvernementale de permettre une amélioration de l'économie. Dans le cadre de cette instance, il a demandé aux dirigeants d'entreprises d'offrir une augmentation des salaires pour partager les profits obtenus grâce aux corrections apportées à la parité du yen et à la reprise de l'économie. Il a d'ailleurs été critiqué pour se mêler d'un sujet qui ne le concernait pas, puisque les salaires doivent être discutés entre patrons et syndicats. Je partage ce sentiment.

Mais dire que cette augmentation de base a été impulsée par le gouvernement n'est pas toute la vérité. Le fait est que la conjoncture s'est améliorée, que les secteurs de l'économie où les conditions de travail sont mauvaises ont aujourd'hui des difficultés à trouver la main d'œuvre nécessaire. D'ailleurs les entreprises ne sont certainement pas dociles au point d'augmenter les salaires pour faire plaisir au gouvernement. Il est permis de penser qu'elles disent aujourd'hui avoir collaboré avec le gouvernement, alors qu'en réalité, elles n'avaient d'autre choix que d'augmenter les salaires.

Si les salaires n'ont pas progressé jusqu'à présent, c'est que les entreprises n'ont pas recruté en CDI mais en CDD. Il est en effet compliqué pour une entreprise confrontée à une mauvaise conjoncture de se débarrasser d'employés en CDI. Lorsqu'elles n'ont pas confiance en la durée d'une amélioration de la demande, elles préfèrent embaucher en CDD.

Comme le salaire versé à ces employés en CDD est plus bas que celui de ceux en CDI, les salaires baissent lorsque la proportion de CDD augmente. Le fait que les employés en CDD soient moins bien payés que ceux en CDI pour le même travail est un grave problème en soi, mais on peut l'attribuer en partie au fait que les employés en CDD travaillent moins d'heures sur une base mensuelle que ceux en CDI. Si l'on tient compte de cela, la conclusion que le salaire devrait être pensé en termes de salaire horaire s'impose. Déterminer si les salaires augmentent nécessite de connaître les salaires horaires, mais il n'existe pas au Japon de données officielles à ce sujet. Les enquêtes statistiques mensuelles sur l'emploi du ministère du Travail fournissent cependant des informations sur les salaires mensuels incluant les montant pour les heures supplémentaires, et sur le nombre d'heures travaillées, y compris les heures supplémentaires. Diviser les gains salariaux par le nombres d'heures travaillées permet de calculer le salaire horaire. Comme le total des gains salariaux comprend les bonus, les montants sont plus élevés les mois où les bonus sont payés. Si l'on considère les données ajustées en fonction de ces changement saisonniers, on peut appréhender l'évolution du salaire horaire mensuel.

Suite > Le nombre d'heures travaillées en hausse depuis le lancement des Abenomics

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Harada YutakaArticles de l'auteur

Né en 1950, M. Harada, conseiller au Daiwa Institute of Research, est chercheur senior à la Tokyo Foundation. Après des études d’économie agricole à l’Université de Tokyo, il entre à l’Agence de planification économique. Il obtient en 1979 un mastère en économie à l’université de Hawaii. Ancien chercheur senior à l’institut de recherche économique et sociale du secrétariat du premier ministre, M. Harada qui a été chef économiste à la banque Daiwa, est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Naze Nihon keizai ha umaku ikanai no ka (Pourquoi l’économie japonaise ne va pas bien).

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