Derrière le scandale des cellules STAP

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Takeda Tôru [Profil]

Le scandale autour des cellules STAP dépasse aujourd’hui le simple cadre de la science. Il a pris de telles proportions que la société japonaise toute entière se sent à présent concernée. Takeda Tôru, sociologue des médias, analyse les thèmes qu’il a fait émerger.

La vérité sur les cellules STAP passe à la trappe

Mais peut-être faudrait-il utiliser une autre image à propos de Riken, celle de l'arroseur arrosé. Mme Obokata s’est avérée trop séduisante pour les médias et pour le grand public. Après la conférence de presse du 28 janvier, elle est devenue incapable de faire le moindre geste sans être poursuivie par les médias. Des hebdomadaires ont commencé à publier des articles sur sa vie privée, réelle ou supposée, sans avoir accès à elle.

Les utilisateurs d’Internet se sont aussi intéressés à la jeune chercheuse. Mais d'une autre façon : ils ont commencé à vérifier sa thèse de doctorat, qui était visible en ligne. Ils ont découvert que certaines des photos de l’article publié par Nature avaient aussi servi pour sa thèse qui portait pourtant sur un tout autre thème, et aussi qu’elle comportait des passages qu’elle avait copiés-collés sans citer les références des documents utilisés.

Relativement à l’article publié par Nature, il est apparu que certaines parties étaient douteuses parce que les images utilisées avaient été en partie manipulées, et Riken a dû se résoudre à lancer une commission d’enquête à ce sujet. Le 1er avril, l’institut a reconnu qu’il y avait eu fraude, et son directeur Noyori Ryôji s’est vu contraint d’annoncer dans une conférence de presse qu’il recommandait le retrait de cet article, suivant la procédure applicable.

Confrontée à cette réaction de Riken, Mme Obokata a donné une conférence de presse le 9 avril, dans laquelle elle a souligné que l’emploi de photos identiques à celles figurant dans sa thèse n’était qu’une simple erreur, que les photos n’avaient été manipulées que dans le but de les rendre plus lisibles, et qu’en aucun cas elle n’avait eu l’intention de tromper. Mais elle a aussi révélé qu’elle avait déposé une plainte en réparation vis-à-vis des résultats de l’enquête, car elle ne pouvait accepter que les résultats de ses recherches aient été jugés le produit de « manipulations et de falsifications ».

Sa posture de résistante solitaire face à Riken qui avait jusqu’alors contrôlé toute l’information n’était pas sans rappeler, pour continuer le parallèle avec la Guerre du Golfe, celle de Peter Arnett, le correspondant de CNN qui était le seul reporter présent à Bagdad à pouvoir continuer à transmettre des images de ce que s’y passait. Mais les informations qu’il avait transmises depuis Bagdad avaient de fait subi la censure du gouvernement de Saddam Hussein. En conséquence, si les informations fournies par la plupart des médias étaient contrôlées par le Deaver System, celles d’Arnett étaient aussi tendancieuses, et la vérité sur la guerre était passée à la trappe.

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Takeda TôruArticles de l'auteur

Professeur de sociologie des médias à l’université Keisen, journaliste et critique. Né en 1958 à Tokyo, il étudie à l’Université chrétienne internationale de Tokyo (ICU), où il obtient un doctorat de civilisation comparée. Il a été membre du Comité médias et droits de l’homme et est l’auteur de plusieurs publications, parmi lesquelles figurent notamment Ryôkôjinruigaku Kuronikuru (Chronique d’anthropologie de la mode), récompensé par le prix Suntory en 1999, et de Genpatsuhōdō to media (Les médias et les information sur l’énergie nucléaire).

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