Derrière le scandale des cellules STAP

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Le scandale autour des cellules STAP dépasse aujourd’hui le simple cadre de la science. Il a pris de telles proportions que la société japonaise toute entière se sent à présent concernée. Takeda Tôru, sociologue des médias, analyse les thèmes qu’il a fait émerger.

Une mise en scène des médias qui ne date pas d'hier

Nous savons à présent que ces informations offertes aux médias résultaient d’une mise en scène très aboutie de la part du service de relations publiques de l’institut Riken et de l’entourage de Mme Obokata. Cette méthode de communication est peut-être exceptionnelle dans le monde de la recherche, mais elle est solidement établie dans les relations publiques.

Afin d'illustrer mon propos, laissez-moi vous parler de la méthode Deaver. Le 17 janvier 1991, le gouvernement américain annonça le début de la Guerre du Golfe en Irak par un bombardement aérien. La méthodologie utilisée à cette occasion avait été élaborée par Michael Deaver, le porte-parole du président Reagan. Conscient que la diffusion par les médias de photos de cadavres de soldats américains pendant la Guerre du Vietnam avait suscité un élan pacifiste et compliqué la poursuite des opérations, le gouvernement américain et son armée s’étaient donné du mal pour développer un contrôle efficace des médias. Deaver, qui avait fait carrière dans les relations publiques, avait conçu sur la base de son expérience dans le domaine de la publicité télévisée une approche capable de contrôler les images grâce à deux techniques.  

La première était de présenter des images capables d’intéresser le public, sélectionnées dans le but de garantir un fort taux d’audience. Les autorités américaines fournissaient des « sujets » tout prêts, semblables à des publicités télévisées, et cela en quantité si importante qu’ils ne pouvaient pas tous être diffusés. Deaver réalisait pleinement que les chaînes américaines de télévision qui luttaient pour conquérir des parts d’audience ne pourraient refuser des segments capables d’attirer fortement des spectateurs. Par ailleurs, en mettant à leur disposition une quantité de loin supérieure au temps qu’elles consacraient aux informations, il devinait que les chaînes de télévision ne diffuseraient rien d’autre, sans qu’il ne soit nécessaire d’exercer sur elles de quelconques contraintes.

Ce « Deaver System » fut expérimenté pour la première fois en 1983 au moment de l’invasion américaine de l’île de la Grenade, et appliqué plus largement encore en 1989 pour celle de Panama, puis en 1991 dans la Guerre du Golfe. Les premières images diffusées avaient été envoyées par les caméras des premiers missiles sol-air à guidage de précision tirés sur Bagdad. Les téléspectateurs furent fascinés par ces images entièrement nouvelles à leurs yeux, prises par des missiles qui volent comme de leur propre initiative vers les cibles qu’ils détruisent immanquablement. Le Deaver System fonctionna parfaitement : il fit naître l’image d’une guerre propre dans laquelle seules les installations militaires étaient détruites, donnant l’impression aux téléspectateurs qu’il s’agissait d’une nouvelle guerre « juste ».

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