
Le train-couchette se meurt, vive le train-croisière !
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Le tunnel de Seikan à l’origine d’une idée nouvelle
Le train Hokutosei (« L’étoile polaire »), qui relie Ueno et Sapporo (photo : Kawai Satoshi)
Alors que la demande du train-couchettes en tant que moyen de transport se retrécissait progressivement, une nouvelle idée fait son chemin depuis la mise en service du Hokutosei, un train à wagon-lit entre Ueno (Tokyo) et Sapporo (Hokkaidô).
Le Hokutosei relie les deux villes en 16 heures environ, alors que si vous prenez l’avion de Tokyo, vous atteindrez Sapporo en 3 heures et demie, temps nécessaire à rejoindre les aéroports à partir du centre ville inclus. Évidemment, personne ne prend le Hokutosei comme simple moyen de transport.
C’est alors qu’en 1987, la société de chemin de fer Japan Railway (JR), qui venait d’être privatisée a changé d’idée, celle de lancer un véritable train de luxe, le Hokutosei. Or, cette idée révolutionnaire, profitant de la bulle économique de l’époque et de l’ouverture du tunnel de Seikan entre l’île de Honshû et l’île de Hokkaidô, connut un véritable succès, au point que l’on parlait même de « Boum du Hokutosei ». Afin que le voyage en chemin de fer devienne un plaisir en soi, comme la croisière maritime, le Hokutosei a été conçu comme un train à wagons-lits en compartiments individuels privatifs et wagon-restaurant gastronomique.
Le Nanatsuboshi-in-Kyûshû traverse les différentes régions de l’île de Kyûshû (photo Kawai Satoshi)
Le concept du Hokutosei a de nouveau progressé avec le Twilight Express, qui relie Osaka à Sapporo depuis 1989, et le Cassiopeia entre Ueno et Sapporo depuis 1999. Ces trains sont conçus radicalement comme des « trains-croisières », à composition de wagons-lits à compartiments privatifs uniquement, exception faite d’un wagon-lounge et du wagon-restaurant.
La mise en service du Nanatsuboshi-in-Kyûshû s’inscrit dans ce prolongement. Lui aussi est un train-croisière, qui traverse en quelques jours divers lieux touristiques de l’île de Kyûshû dans un environnement luxueux. Si le Twilight Express et le Cassiopeia peuvent encore être empruntés pour un déplacement (par exemple pour se rendre à Sapporo en voyage d’affaires), cela n’est même plus possible pour le Nanatsuboshi-in-Kyûshû : la demande est si forte qu’il faut s’inscrire plusieurs mois à l’avance et n’est attribuée que par loterie ; d’autre part, le train part de Hakata et revient à Hakata, l’idée de se rendre quelque part est complètement abandonnée.
Les compagnies JR West et JR East ont annoncé elles aussi réfléchir à offrir des services de ce types à partir de 2017.
Projet de train-croisière de JR East (à gauche) et de « Nouveau wagon-lit » de JR West planifiés pour 2017. Cliquez pour voir l’intérieur des voitures dans la galerie photo ci-sessous. (photos : JR East, JR West)
Le train-couchette comme moyen de transport en voie de disparition
Le Twilight Express, entre Osaka et Sapporo (photo Kawai Satoshi)
Pour sa part, le traditionnel train-couchette comme moyen de transport est un concept en voie de disparition. Les derniers trains de nuit circulant entre Tokyo et Kyûshû, y compris l’Asakaze, ont clos leur service en 2009. Les nouveaux horaires annoncés le 15 mars 2014 ont vu la suppression de l’Akebono entre Ueno et Aomori. Le Hokutosei, le Sunrise Seto Izumo (entre Tokyo et Takamatsu/Izumo), le Twilight Express et le Cassiopeia sont les derniers trains-couchettes en service actif. Comparés aux 39 aller-retours journaliers de 1975, la fréquence est en chute. Et l’arrêt du Twilight Express est annoncé pour le printemps 2015 pour cause de vieillissement des voitures, en attendant l’ouverture du Hokkaidô Shinkansen entre Aomori et Hakodate, prévue pour mars 2016.
Mis à part le développement du Shinkansen et des aéroports régionaux, la dégénérescence des trains-couchettes est attribuée au développement des autocars longues distances par autoroute et à celui des hôtels bon marché de bonne qualité. Personnellement, j’attribue l’obsolescence du concept à la perte de vitesse des économies locales.
Depuis l’éclatement de la bulle spéculative, la situation économique des régions s’est sensiblement détériorée par rapport à la métropole. Toutes les régions accusent un marasme des industries locales qui perdurent. La population se concentre de plus en plus vers les métropoles et délaisse la province. Ce contexte ne permet pas d’entrevoir de grandes espérances concernant les transports interrégionaux de masse. Même les transports publics locaux sont en difficultés. Les aéroports régionaux qui ont ouverts en nombres ces dernières décennies rencontrent eux aussi des difficultés, le manque de passagers pèsent lourdement sur les collectivités territoriales qui doivent les soutenir économiquement.
Compte tenu du désavantage en termes de vitesse des trains-couchettes, leurs difficultés n’ont rien d’étonnant. Avec le vieillissement de la population, il est important d’offrir au public d’âge avancé des moyens de transports plus confortables, moins exigeant physiquement, et moins longs.
La situation des compagnies de transports publics est à l’image de notre société d’aujourd’hui. La montée en puissance des trains-croisières qui cible les classes aisées parallèlement à la disparition des trains-couchettes est un phénomène qui explique magnifiquement bien la situation économique actuelle du Japon.
Vidéo de présentation du « Nouveau wagon-lit » de JR West dont la mise en service prévue en 2017.
(D’après l’original en japonais. Photo de titre : Kawai Satoshi)