Tanaka Kakuei, ou le conservatisme modéré

Politique

Plus de vingt ans après sa mort, Tanaka Kakuei (1918-1993), Premier ministre du Japon de 1972 à 1974, bénéficie d’un regain de popularité. Hayano Tôru qui en tant que journaliste a suivi pendant vingt ans le parcours de cet homme politique hors du commun explique les raisons du retour en grâce de celui que l’on a qualifié de « shôgun de l’ombre ».

Une volonté de réduire les inégalités

Tanaka Kakuei en octobre 1983, juste après sa condamnation à quatre ans de prison par le tribunal de Tokyo (Photo : Jiji Press)

Les différences entre Tanaka Kakuei et Abe Shinzô sont multiples. Voyons d’abord ce qu’il en est du point de vue économique. Kakuei commençait invariablement ses discours à l’adresse des électeurs par la même phrase : « La politique, c’est la vie ». Il rappelait ainsi que pour lui, le rôle de la politique était avant tout de diriger l’économie et d’améliorer le niveau de vie de la population. Et quand il avait affaire à un auditoire enthousiaste d’origine rurale, il donnait des détails concrets sur la construction des infrastructures routières et les mesures de prévention des catastrophes.

En 1972, Tanaka Kakuei a publié « De la  restructuration de l’archipel japonais » (Nippon rettô kaizôron), un texte qui a fini par devenir son credo politique. Le plan ambitieux qu’il contenait avait pour objectif de réduire les inégalités entre les villes et les zones rurales et d’élever le niveau de vie des Japonais en construisant des lignes de Shinkansen (le TGV japonais) des ponts et des autoroutes dans tout le pays. Il a eu l’inconvénient de déclencher une bulle spéculative immobilière qui a éclaté après les chocs pétroliers des années 1970. Mais il a aussi conduit à des réformes qui ont contribué à mieux répartir les fruits de la haute croissance économique japonaise. Les personnes âgées ont ainsi été exemptées de paiement pour leurs frais médicaux tandis que la retraite de base était portée à cinquante mille yens (environ 360 euros) par mois. En outre les salaires des enseignants du primaire et du secondaire ont augmenté de 25 % par rapport à ceux des autres fonctionnaires.

Les ambitions de la stratégie économique mise en œuvre par Abe Shinzô (Abenomics) pour mettre un terme à vingt années de déflation sont tout autres. Elles se résument en effet à améliorer les performances des entreprises. Cette politique, qui préconise une baisse du yen surévalué et une hausse du cours des actions grâce à un train de mesures audacieuses d’assouplissement monétaire, a effectivement aidé quantité de sociétés japonaises à réaliser des profits sans précédent. Abe Shinzô cherche à faire entrer l’économie de l’Archipel dans un cercle vertueux de croissance qui permettrait d’augmenter les salaires des employés. Mais un grand nombre d’entreprises installées en province et de PME n’ont encore tiré aucun bénéfice de cette stratégie. Ce sont elles qui ont la nostalgie du temps où Kaku-san se préoccupait autant des couches modestes de la population que des grosses sociétés.

Suite > La normalisation des relations sino-japonaises : une réussite exemplaire

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