Pourquoi Sony a-t-il chuté ?

Économie Technologie

Yonekura Seiichiro [Profil]

Sony, la société qui a inventé le Walkman, l’ordinateur portable Vaio et bien d’autres produits qui ont marqué leur époque, voit ses résultats se détériorer depuis une dizaine d’années. Nous analysons sous l’angle de la gouvernance d’entreprise les raisons de la chute de cette marque japonaise qui avait su se créer un empire dans le secteur de l’électronique.

L’échec de la réforme de gouvernance

L’opposition entre les divisions qui font de leur propre réussite leur priorité et une direction centrale qui recherche la prospérité de l’ensemble est ce qui crée le piège du succès. Mais à partir de 1997, M. Idei a mis en place une structure de décision qui dépassait les conflits d’intérêt entre les différentes divisions, par la dissociation des fonctions de supervision coordonnant l’ensemble de la gestion de celles de l’exécutif qui coordonne les divisions. En détachant l’élaboration de la stratégie d’entreprise qui impulse la direction de l’ensemble de la société, et l’exécution des activités du quotidien, il disposait d’un système capable de réaliser le monde des Digital Dream Kids, dès qu’il en aurait pris la décision.

Malgré ce système, le plan de redressement conçu par M. Idei et la direction centrale a échoué, et les pertes de la division électronique ont continué. Le cours de l’action est descendu jusqu’à 3000 yens, et en juin 2005, les critiques acerbes de la gestion de M. Idei par les anciens employés de Sony et par son personnel, ainsi que celles venant des médias japonais et étrangers, l’ont conduit à démissionner. Il est alors devenu conseiller suprême de la direction de la société.

M. Idei ne s’est pas contenté de ne pas assumer ses responsabilités vis-à-vis de l’échec de sa gouvernance, il a aussi fait un choix incompréhensible au moment de désigner son successeur. En effet, bien que l’insatisfaction du marché et des clients soit dirigée contre la division électronique à l’origine des pertes, et contre les produits de Sony qui ne pouvaient être connectées, Howard Stringer, le dirigeant de la division cinéma, a été sélectionné pour succéder à M. Idei.

Le nouveau PDG avait affirmé sa volonté d’unifier les produits Sony grâce à Internet, avec le slogan « Sony United », et il aurait pu avoir un rôle positif, mais il n’avait pas la capacité d’un ingénieur pour imaginer comment réaliser cet objectif. Chûbachi Ryôji, un ingénieur de formation, fut simultanément nommé directeur des opérations, dans le but de surmonter les difficultés techniques, mais les deux hommes ne réussirent jamais à véritablement travailler de concert.

Ils démissionnèrent tous les deux lorsque les pertes totales de Sony pour l’exercice 2012 atteignaient 919,3 milliards de yens. Le cours de l’action qui se situait à 3000 yens environ au moment de leur nomination dégringola un temps en-dessous de 1000 yens, et cela fit perdre beaucoup d’argent aux actionnaires. Ils n’en furent pas moins nommés administrateurs et reçurent d’importantes compensations sans assumer leurs responsabilités dans cet échec.

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Yonekura SeiichiroArticles de l'auteur

Directeur de l’Institut de recherche en innovation de l’Université Hitotsubashi. Né à Tokyo en 1953. Diplômé en 1977 et 1979 de l’Université Hitotsubashi, où il s’est spécialisé dans les sciences sociales et l’économie et a terminé son troisième cycle en 1981. En 1990, il a obtenu un doctorat en histoire de l’Université Harvard. A été professeur à l’Université Hitotsubashi, directeur de Nippon Genki Juku à Roppongi Academyhills et rédacteur en chef de la revue Hitotsubashi Business Review. Auteur de divers ouvrages dont Keiei kakumei no kôzô (Les structures de la révolution du la gestion), Kigyôka no jôken (Les conditions requises pour être entrepreneur) et Datsu-karisuma jidai no rîda ron (Les dirigeants de l’ère post-charismatique).

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