L’isolement social au Japon

Personnes isolées sans emploi : un phénomène préoccupant pour le Japon

Société

Genda Yûji [Profil]

L’économie japonaise donne quelques signes de reprise mais la société est confrontée à une question de plus en plus préoccupante : le nombre de personnes âgées de 20 à 59 ans qui n’ont jamais été mariées et sont sans emploi augmente rapidement. Genda Yûji tire l’alarme face à cette nouvelle réalité.

Un phénomène qui ne disparaîtra qu’avec une implication au niveau local

Comment vivent ces SNEP qui ne travaillent pas et n’ont plus de contacts avec autrui ? La question est préoccupante. Tout d’abord, les trois quarts des SNEP habitent chez leurs parents ou en famille. Comparés au dernier quart qui vit seul, ils ont moins tendance à chercher activement du travail et sont plus enclins à avoir renoncé à en trouver.

Les parents des SNEP sont souvent âgés de plus de 70 ans et vivent de leur pension. Lorsqu’ils mourront, ces SNEP perdront leur moyen de subsistance. Le nombre de personnes vivant de l’aide sociale est en hausse constante au Japon, et le problème du déficit public ne peut que s’aggraver si l’on arrive pas à enrayer le phénomène des SNEP.

Existe-il des mesures pour stopper cette tendance ? La municipalité de Fujisato dans la préfecture d’Akita a pris une initiative intéressante. Cette localité qui se trouve à l’entrée du site de Shirakami-Sanchi, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, est située dans la partie de la préfecture d’Akita où le vieillissement démographique et le dépeuplement rural progressent le plus vite. Un spécialiste du secteur social qui travaillait à l’aide au troisième âge dans la région s’est rendu compte que la première préoccupation des personnes âgées qui avaient besoin d’assistance n’était ni leur santé ni leur quotidien mais leurs enfants SNEP qui habitaient chez eux.

Après beaucoup de tours et de détours, et de très grands efforts de la part de ce spécialiste, ces anciens SNEP sont en passe de devenir une présence indispensable dans la localité. Ils emmènent les vieilles personnes qui ne peuvent plus conduire faire leurs courses en voiture, ou fabriquent des quiches au champignon Shirakami maitake unique à cette région, pour les commercialiser ensuite par correspondance. Dans une région qui manquait de main d’œuvre, ils ont répondu à ce que l’on attendait d’eux : fournir les ressources humaines essentielles pour la soutenir. Cette initiative locale a permis de mettre fin à leur isolation.

Le Japon n’a pas fini de relever les défis posés par sa position de pionnier en matière de vieillissement démographique. Mais il doit aussi aborder de front ce problème de l’isolement social.

(D’après un texte original en japonais du 14 janvier 2014)

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Genda YûjiArticles de l'auteur

Né en 1964, professeur de sociologie à l’Université de Tokyo où il a fait des études d’économie. Après avoir été chercheur invité à l’Université d’Harvard, puis d’Oxford, il devient professeur à l’Université Gakushûin jusqu’en 2007, année où il obtient la même position à l’Université de Tokyo. Son dernier ouvrage est intitulé Koritsu mugyô — SNEP (Les personnes solitaires sans emploi). Membre du comité consultatif de rédaction de Nippon.com depuis avril 2014.

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