
Ama-chan et les autres héroïnes des séries matinales
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Les hauts et les bas de la vie d’une femme
Dans O-Hana-han, l’héroïne n’était pas la seule à passionner les téléspectateurs, qui s’intéressaient aussi aux officiers de l’armée de terre. Ils étaient nombreux à écrire pour demander que, dans la série, ces personnages ne meurent pas à la guerre.
L’héroïne, Hana, est originaire de Tokushima, mais le tournage a eu lieu à Iyo-ôzu, dans la préfecture d’Ehime toute proche, où subsistaient des villages d’autrefois. Il paraît que les villes de Tokushima et d’Iyo-ôzu ont alors revendiqué toutes les deux le statut de « toile de fond de la série », chacune refusant de céder sa place. O-Hana-han est sans doute la première série à avoir apporté des retombées économiques locales aux lieux de tournage.
O-Hana-han retrace la vie d’une femme à travers les ères Meiji, Taishô et Shôwa ; cette fresque de l’existence d’une femme, avec ses hauts et ses bas, est le thème le plus fréquent des séries matinales. Grâce aux scènes sur la jeunesse de l’héroïne, depuis Uzushio, la série matinale est aussi souvent la voie royale vers le succès pour les jeunes actrices débutantes. Il suffit de regarder la liste des héroïnes des séries matinales au fil du temps pour constater que nombre d’actrices aujourd’hui renommées ont ainsi débuté leur carrière.
Un titre catchy, un hit potentiel
Chargé des programmes de la NHK au sein de l’équipe éditoriale du Shûkan TV Guide entre 1979 et 1981, mes souvenirs des séries télévisées matinales de cette période sont particulièrement vifs. C’est en particulier le cas pour Mâ-nê-chan (1979), diffusé alors que je venais d’intégrer l’équipe. Il s’agissait d’une comédie familiale inspirée de la mangaka Hasegawa Machiko, l’auteur de Sazae-san.
Souvent, les séries matinales portent un titre se terminant par « -chan », un suffixe affectueux qu’on accole volontiers à un prénom féminin. Son utilisation permet sans doute de donner l’image d’une héroïne attachante. L’auteur d’Ama-chan, Kudô Kankurô, jeune et talentueux scénariste japonais, a peut-être choisi un titre en -chan comme une forme d’hommage aux séries télévisées qui l’ont précédé.
« O-Shin », le grand succès d’il y a trente ans
Bien que son titre ne finisse pas par -chan, le plus grand succès de toute l’histoire des séries matinales est O-Shin (1983). Née dans un village pauvre de Yamagata, O-Shin débute comme domestique à l’âge de sept ans, ce qui ne l’empêchera pas de devenir une brillante chef d’entreprise.
A l’époque, alors que la diffusion sur six mois est devenue la norme, O-Shin dure un an, avec un taux moyen d’audience de 52,6%. La série enregistre même un pic d’audience inégalé, à 62,9%. Kobayashi Ayako, l’interprète de l’héroïne enfant, devient une véritable idole, tandis que le rôle-titre d’O-Shin adulte est joué par Tanaka Yûko, qui avait fait ses débuts dans Mâ-nê-chan.
Cette série a enregistré un réel succès en Asie et au Proche-Orient, mais a été boudée par les pays occidentaux.
Kobayashi Ayako, interprète d’O-Shin enfant
1983, c’est aussi l’année de l’inauguration de Tokyo Disneyland, de la série du soir à succès Aux épouses du vendredi dépeignant les relations adultères dans les riches banlieues de Tokyo, et des premiers succès de la chanteuse Yuming (Matsutôya Yumi), autant de signes précurseurs de la période de bulle économique. Dans ce contexte, on peut s’étonner du succès de l’histoire d’O-Shin, mère courage d’autrefois dans une région reculée, mais il est peut-être symptomatique d’une période charnière.
Aujourd’hui, la série télévisée du matin ne sert plus de pendule aux téléspectateurs, dont les centres d’intérêt se sont diversifiés, et son taux d’audience moyen se situe autour de 20%, ce qui est loin d’être mauvais. Comme le montre le succès de La femme de Ge-ge-ge (2010), adaptation de l’autobiographie de Mura Nunoe, l’épouse du mangaka Mizuki Shigeru, ou celui d’Ama-chan, les séries matinales sont encore largement appréciées. Les magazines d’information diffusés sur les autres chaînes à la même heure se ressemblent tous, ce qui a peut-être lassé les téléspectateurs. Et puis, un programme court, de quinze minutes, n’est-il pas taillé sur mesure pour la génération actuelle, adepte du zapping ?
(Adapté d’un article rédigé le 12 août 2013, photo de titre : NHK)