Ama-chan et les autres héroïnes des séries matinales

Société

Izumi Asato [Profil]

La série télévisée matinale de la NHK « Ama-chan » remporte un tel succès qu’elle a même donné naissance à une expression à la mode, « jé jé jé ! », utilisée pour marquer sa surprise. Izumi Asato, éditorialiste et ancien journaliste dans la presse de télévision, revient pour nous sur les héroïnes des séries matinales de la NHK suivies par les téléspectateurs depuis un quart de siècle ; il s’intéresse au secret de leur succès et à leur évolution au fil du temps.

Ama-chan, véritable phénomène de l’année 2013

La série matinale de la NHK est une institution depuis 1961 ; actuellement diffusée de 8h à 8h15 du lundi au samedi, cette émission est surnommée « asa-dora », un mot-valise formé à partir de « matin » (asa) et de « série » (dorama).

Chaque série est diffusée pendant six mois. Cette année, Ama-chan, dont la diffusion a commencé en avril 2013, connaît un immense succès.

L’héroïne est Aki, une jeune fille timide qui a grandi à Tokyo et qui suit sa mère à la campagne dans le Tôhoku, le nord-est du Japon, où, sous l’influence de sa grand-mère, elle décide de devenir plongeuse en apnée (ama). Devenue une sorte de star locale, Aki va tenter sa chance à Tokyo. Tournée dans le Tôhoku, région durement frappée par la catastrophe de mars 2011, cette série rafraîchissante relève plutôt du registre de la comédie.

« Jé jé jé ! », une onomatopée exprimant la surprise utilisée dans certaines régions du Tôhoku, a été popularisée par Ama-chan, et la bande originale de la série, composée par Ôtomo Yoshihide, est aujourd’hui un tube.

Ama-chan a touché un public bien plus vaste que les autres séries matinales, qui attirent plutôt des femmes d’âge mûr, en gagnant un public de tous les âges et des deux sexes. C’est en partie dû à la description satirique de l’univers des idoles et aux références à la pop culture des années 80, qui ont plu aux otakus aussi.

Nônen Rena : Aki, l’héroïne d’Ama-chan (crédit photo : NHK)

Par-delà Ama-chan, nous reviendrons ici, de manière plus générale, sur l’histoire des séries matinales de la NHK.

La série matinale, pendule des travailleurs

La toute première série télévisée matinale, Musume to watashi (Ma fille et moi), une adaptation d’un roman de Shishi Bunroku, a été diffusée cinq jours par semaine de 8h40 à 9h20 pendant un an.

Pendant la diffusion, l’heure était affichée à l’écran, et les téléspectateurs s’en servaient comme d’une pendule avant de se rendre au travail. Précisons que cette habitude nous vient de la radio. Des séries radiophoniques étaient diffusées matin et soir, pendant lesquelles l’heure était régulièrement annoncée. Dans le temps, les gens n’avaient pas toujours de montre, ou peut-être étaient-ils trop occupés pour regarder souvent l’heure.

Les séries matinales de la NHK ont été très suivies dès le départ, semble-t-il. De nombreuses actrices choisies pour tenir le rôle principal sont ensuite devenues des stars. La première d’entre elles est Hayashi Michiko, héroïne de la série Uzushio (Le Tourbillon), en 1964.

« O-Hana-han », premier grand succès

Le premier grand succès des séries du matin, qui a provoqué un véritable phénomène de société, est celui d’O-Hana-han, en 1966. L’héroïne, Hana, veuve d’un militaire, traverse courageusement toute une page de l’histoire du Japon, de l’ère Meiji à l’ère Shôwa, en gardant toujours sa bonne humeur. Kashiyama Fumie, son interprète pétillante, est devenue une véritable idole populaire.

Kashiyama Fumie dans O-Hana-han (crédit photo : NHK)

Un extrait d’un article du Shûkan TV Guide de l’époque (magazine créé en 1962 et publié par Tokyo News Service) permet de mieux appréhender le succès extraordinaire de cette série :

« Voici ce qu’un jour, un employé du service des eaux de Tokyo a rapporté à la NHK : "A 8h15, la demande en eau baisse brusquement, la pression au robinet est plus forte." Et c’était vrai… »

A l’époque, la série était diffusée à partir de 8h15. Dès qu’elle commençait, il y avait moins de gens devant leur évier ou aux toilettes.

Dans le même registre, on raconte que du temps où les foyers japonais ne possédaient ni télévision ni salle de bains, à l’heure de la diffusion de la radiophonique Kimi no na wa (Ton nom, 1952-1954) sur les ondes de la NHK, les femmes désertaient les bains publics. Le succès d’Ama-chan a beau être phénoménal, il est plus difficile d’identifier des effets aussi nets dans la société actuelle.

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Izumi AsatoArticles de l'auteur

Né en 1956 à Tokyo. Diplômé de la faculté de commerce de l’Université Keiô, il intègre l’entreprise Tokyo News Service en 1979. Editeur des magazines Shûkan TV Guide et Video Collection, il est également éditorialiste pour de nombreuses revues, indépendant depuis 1984. Il est l’auteur, entre autres ouvrages, de Cafés de tous les jours à Tokyo (Heibonsha, août 2013).

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