Enlèvements internationaux d'enfants par leurs mères japonaises

Politique Société

Kamoto Itsuko [Profil]

Le Japon va enfin devenir partie à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants par l'un de leurs parents. Nous présentons quelques éléments de réflexion sur les raisons qui peuvent conduire des femmes japonaises à agir de cette manière, et sur les aménagements à prévoir une fois que le Japon signera cette Convention.

Des femmes qui ne savent où chercher de l'aide

« Même un chien ne trouverait à se nourrir d'une querelle entre époux », dit un proverbe japonais qui signifie que les querelles entre époux n'intéressent qu'eux. Parce qu'elles ont tendance à penser que les problèmes domestiques doivent se régler dans la sphère domestique, les femmes japonaises installées à l'étranger n'ont que peu recours aux services de médiation offerts par des organismes publics ou des associations. Mais dans le cadre de la Convention de La Haye, le fait d'avoir pris contact avec un organisme de ce genre, de lui avoir signalé un problème, ou d'avoir consulté un médecin à ce sujet constituent des preuves importantes.

Le site Internet du consulat du Japon à San Francisco recommande à ceux qui le consultent de faire appel à la police lorsqu'ils se sentent menacés dans leur intégrité physique et explique comment procéder. Mais dans des villes comme Los Angeles où les prisons et les maisons d'arrêt sont en permanence remplies au-delà de leur capacité, une personne n'ayant pas d'antécédents judiciaires sera rapidement libérée. Il faut aussi avoir conscience du risque élevé que ces personnes cherchent ensuite à se venger.

Quelqu'un qui ne maîtrise pas bien la langue du pays où il se trouve peut rechercher de l'aide auprès de « défenseurs », qui se feront son porte-parole, ou auprès de groupes de soutien formés par les associations, mais il semble que beaucoup de femmes japonaises ignorent l'existence de ces structures. A Seattle, une femme japonaise joue ce rôle de « défenseur ». Mariée à un Américain, elle est active dans une association qui protège des violences conjugales les femmes immigrées. Pour elle, il est important que ces femmes sachent qu'elles peuvent exiger la présence d'un interprète si elles ont du mal à comprendre ce que leur dit la police quand elles l'appellent.

Tous ces facteurs aident à comprendre pourquoi de nombreuses mères japonaises installées à l'étranger retournent au Japon avec leurs enfants sans prévenir leur époux. Cette liste ne saurait cependant être exhaustive. Il peut arriver que la sécurité de l'enfant ne puisse être garantie que de cette façon même si agir ainsi est commettre un crime. Dans ce cas, il est vital de laisser à la police, à un médecin, à une association d'aide, ou encore à un ami habitant à proximité, des preuves des violences conjugales subies.

Des maris qui ne jurent que par les règles de leur pays

Lorsqu'on considère les hommes qui sont ici les « victimes », les divorces les plus difficiles impliquent souvent des maris qui n'ont jamais mis les pieds dans le pays d'origine de leur épouse.

De la même manière que les femmes japonaises supposent que les règles japonaises ont une valeur universelle, les étrangers avec lesquels elles se sont mariées pensent que la loi de leur pays vaut partout. Selon une information diffusée en 2011 par la chaîne américaine de télévision ABC, « une centaine d'enfants américains ont été enlevés et emmenés au Japon ». La logique ici est qu'un enfant né dans ce pays d'une mère japonaise est considéré avant tout comme américain, parce que la nationalité américaine est attribuée à tout enfant né sur le sol des Etats-Unis.

Pendant mon séjour dans le cadre de l'IVLP, j'ai eu l'occasion de rencontrer des pères dont les enfants avaient été enlevés par leurs mères japonaises. Certains parlaient quelques mots de japonais, d'autres n'avaient jamais séjourné au Japon. Ils affirmaient tous n'avoir jamais porté la main sur leur épouse, et leur opinion du Japon était uniformément négative. On voit bien qu'à l'arrière-plan de ce problème, il y a l'absence d'échanges avec le Japon ou encore la communication quasi-inexistante avec la famille de leur femme japonaise.

Suite > Un système japonais rempli de défauts

Tags

international étranger sexe famille mariage enfant immigré

Kamoto ItsukoArticles de l'auteur

Professeure de sociologie à l'Université féminine de Kyoto. Spécialiste de la sociologie historique des mariages internationaux, elle a obtenu en 1997 son doctorat de sciences sociales et culturelles au Collège doctoral de recherche avancée (Sôgô kenkyû Daigakuin). Elle a notamment été chercheur invitée à la School of African and Oriental Studies de l'Université de Londres et a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet.

Autres articles de ce dossier