La peine de mort au Japon

Société

Kawai Mikio [Profil]

En 2011, et pour la première fois depuis 19 ans, il n’y a pas eu d’exécution capitale au Japon et le nombre des détenus enfermés dans les quartiers des condamnés à mort a atteint un record historique. Le professeur de droit Kawai Mikio s’interroge ici sur l’attitude des Japonais d’aujourd’hui face à la peine capitale.

Pas de bonne décision sans une information précise

La meilleure façon de s’attaquer aux racines de ce problème consisterait à faire en sorte que les gens puissent prendre des décisions responsables. En 2009, année de la mise en place du système des juges non professionnels, l’espoir s’est répandu que la participation de citoyens ordinaires aux décisions judiciaires aux côtés des magistrats professionnels contribuerait à remédier à l’indifférence du public et à renforcer son sens des responsabilités. Mais il se trouve que les juges non professionnels font souvent l’objet de pressions de la part des magistrats qui prennent part aux délibérations, et il y a eu beaucoup de condamnations à mort depuis l’introduction du nouveau dispositif. Je pense qu’il en irait tout autrement si l’on fournissait aux gens les informations dont ils ont besoin pour décider en connaissance de cause. Le manque de transparence en ce qui concerne les exécutions frise la manie du secret. Et pour aggraver encore les choses, bien des gens se figurent, si l’on en croit les sondages, que la criminalité et l’insécurité sont en hausse. Des décisions fondées sur de tels malentendus n’ont aucune validité.

Fondamentalement, l’opinion publique au Japon est-elle en faveur de la peine de mort ou de son abolition ? C’est une question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Comparé à ce qui se passe dans d’autres pays prospères, il est extrêmement rare qu’un suspect soit abattu en cours d’arrestation ou meurt en prison. À cet égard, le Japon fait bonne figure en termes de respect des droits de l’homme. Il faut aussi savoir qu’au Moyen âge la peine de mort a été abolie pendant plus de 300 ans, pour ne pas violer le précepte bouddhiste qui interdit de tuer. Par la suite, en revanche, bien des gens sont morts sur le bûcher ou ont été exécutés par d’autres méthodes cruelles, tandis qu’à une époque aussi récente que la seconde guerre mondiale les traditions propres à la classe des samurai étaient mises à contribution pour justifier les attaques suicides des kamikaze. Le concept de réincarnation a sans doute eu lui aussi une certaine influence, qu’il n’est pas facile d’évaluer.

En ce qui me concerne, je pense que la meilleure solution consisterait, non pas à abolir la peine capitale, mais à la cantonner à un statut symbolique. Plus concrètement, il me semble que la décision de l’appliquer devrait être prise par la justice au cas par cas, plutôt que d’être laissée au corps législatif. À cette fin, je maintiendrais la possibilité de prononcer une condamnation à mort à l’issue d’un procès. Après quoi je souhaiterais que, nonobstant cette possibilité, des instructions soient données pour qu’en fin de compte la sentence ne soit pas exécutée. La peine capitale serait maintenue dans les textes de loi, mais il y aurait de facto un moratoire sur les exécutions. Tel est l’idéal vers lequel j’aimerais tendre.

(D’après un original écrit en japonais le 13 février 2012)

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Kawai MikioArticles de l'auteur

Professeur à l’Université Tôin de Yokohama. Né en 1960. Docteur en droit de l’Université de Tokyo. A également effectué un troisième cycle de droit à l’Université Panthéon-Assas de Paris. Auteur de nombreux ouvrages, dont Anzen shinwa hôkai no paradokkusu (L’effondrement paradoxal du mythe de la sécurité) et Nihon no satsujin (Le meurtre au Japon).

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