L'école au Japon aujourd'hui

Société Culture

Parmi les nouveautés des nouvelles directives pour l'enseignement graduellement mises en place depuis l'année scolaire 2011 figure l'élévation des connaissances fondamentales. Shirota Akihisa, le principal du collège public Wada de l'arrondissement de Suginami à Tokyo, un établissement connu pour ses initiatives innovatrices, nous livre ses réflexions sur l'état du système éducatif au Japon, ainsi que sur l'éducation yutori (non stressante, sans pression) et les nouvelles directives.

Qu'ils soient autonomes, capables de contribuer à la société

Quelles sont les initiatives que nous avons prises au collège Wada ?

Ce collège, le premier à Tokyo à accueillir un principal venu de la société civile, en 2003, a réalisé des réformes de grande ampleur. Je lui ai succédé en 2008, il y a quatre ans, et le collège fêtera ses dix ans de réforme l'an prochain. Mon prédécesseur Kazuhiro Fujiwara et moi-même n'avions pas le même âge, ni la même carrière au moment de notre prise de fonction, et nos méthodes de gestion sont aussi très différentes. Ce que nous avons en commun, c'est notre forte volonté de faire des enfants des personnes autonomes dans la société, en nous fondant sur notre expérience dans le secteur privé.

« Contribuer individuellement, dans les respect et l'indépendance d'esprit », voilà la devise affichée dans le bureau du principal

« Une contribution autonome : faire son mieux pour réaliser ses rêves, et devenir une personne capable d'apporter sa contribution à la société ». Tel est l'objectif du collège Wada, sa vision éducative. Je pense que nous vivons aujourd'hui une époque où les enfants et les jeunes doivent avoir des rêves et des espoirs. Mais je veux que même s'ils connaissent l'échec et le désespoir, ils soient capables de ne pas perdre de vue leurs rêves et leurs attentes, et qu'ils soient des acteurs dans la nouvelle société, sachant penser indépendamment. Cette pensée est incluse dans notre vision. Il est bien sûr important que les collégiens fassent des efforts pour réussir les examens d'entrée au lycée. Mais ce qui compte encore plus à mes yeux, c'est que depuis l'âge de treize ans, au moment où ces élèves quittent l'enfance, ils commencent à penser à leur façon de vivre une fois qu'ils seront adultes, à agir non seulement en fonction de leur bien individuel, mais à réfléchir à leurs devoirs en tant que membres de la société. Mon sentiment est qu'il est important qu'ils aient des égards pour les autres, sans aller jusqu'à parler de sacrifice, et de veiller à ce qu'ils aient conscience de la manière dont ils peuvent contribuer.

Je pense que si le collège Wada a pu appliquer toutes sortes de réformes, c'est parce que nous avons une image claire des élèves que nous voulons former. En d'autres termes, le fait que la vision d'une contribution autonome soit connue bien sûr par tous les élèves, tous les enseignants, tous les parents d'élèves, et toute la communauté locale, qu'elle soit comprise et approuvée, que tout le monde se dirige dans la même direction, a joué un grand rôle dans la mise en place de ces réformes.

Découvrir la société dans un cours

Cette matière est une manifestation concrète de notre vision éducative. Dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, il existe toutes sortes de questions auxquelles il est impossible d'apporter une réponse simple. Chacun y sera confronté une fois adulte, et devra y réfléchir, parfois douloureusement. Voilà pourquoi il est important de prendre l'habitude de penser en groupe à ce genre d'interrogations dès le collège.

Voici quelques exemples des questions abordées par cette matière : les collégiens ont-ils besoin de portables ? faut-il que Tokyo accueille les Jeux olympiques ? un collégien qui souffre d'un cancer doit-il en être informé ? que se passerait-il dans notre quartier si une base militaire s'y implantait ? doit-on autoriser le clonage humain ? Pour approfondir la réflexion de nos élèves, nous invitons au collège des médecins, des avocats, des sportifs, des politiciens, des artisans et des employés de la mairie.

Murata Renho, une personnalité médiatique et une femme politique japonaise, qui a la double nationalité taiwanaise et japonaise, s'adresse aux élèves du collège Wada.

En 2010, Murata Renho, ministre des réformes administratives, a donné un cours dans notre collège sur la nécessité d'avoir ou non des allocations familiales.

J'ai été fier de nos collégiens sûrs d'eux, qui exprimaient leur avis devant elle en toute franchise : « chez moi, les allocations familiales ne sont pas utilisées pour notre éducation, et je pense que souvent elles sont en réalité utilisées comme argent pour faire vivre les familles », « redistribuer l'argent collecté sans plus de manière n'a aucun sens. Il faudrait que les allocations aient une valeur ajoutée que seule la politique peut leur donner ». Si nous implantons chez nos élèves une disposition d'esprit fondamentale, à savoir comprendre que toutes sortes d'idées cohabitent que dans la société, en les rendant non seulement plus conscients des différents thèmes mais aussi en les mettant en contact avec des personnes d'opinions diverses, ils apprennent à penser plus en profondeur.

Mais à mon avis, organiser des cours où interviennent des personnalités extérieures seulement deux ou trois fois par an n'a aucun sens, car cela ne permettra pas de faire évoluer la conscience des élèves. Dans la matière « Le monde autour de nous », que j'enseigne moi-même, les élèves de première et de deuxième années ont dix cours d'une heure (45 minutes en réalité) par an, un par mois, et ceux de troisième année, deux heures (donc quatre-vingt-dix minutes) toutes les deux semaines, ou vingt fois par an. Par ailleurs, tous les élèves écrivent chaque mois un texte de deux cents caractères, dans le cadre des « Nouvelles du cours le monde autour de nous », et nous avons aussi un cours « Le futur du cours le monde autour de nous », où nous invitons des artisans qui s'adressent à tous les élèves d'une classe d'âge. Mon projet est de faire en sorte que tous les élèves pendant leur scolarité au collège aient des contacts avec environ une cinquantaine de personnalités extérieures de premier plan. La continuité est ce qui fait la force de cette matière.

M. Shirota fait cours en utilisant une tablette iPad

Enfin, depuis l'année scolaire 2010, les cours de cette matière sont faits en utilisant une tablette iPad. Nous avons mis au point une application par laquelle tous les élèves d'une classe partagent en temps réel ce qu'ils ont écrit, ce qui leur permet plus d'échanges en cours, parce que nous voulons qu'ils puissent apprendre la diversité.

Ces initiatives ont un impact : depuis trois ans les indices qui mesurent « la compréhension des motifs et du raisonnement », « l'approche active des sujets qui intéressent », et « le respect des autres opinions », des éléments essentiels de l'envie d'apprendre, ont progressé significativement. (Diagramme 1)

Suite > La force d'une communauté locale

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éducation collège yutori scolaire enseignement communication formation élève

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