Comment les médias ont formé les traditions modernes du sumo

Société Culture

De nombreux éléments du sumo familiers aux fans d’aujourd’hui ont vu le jour dans les temps modernes. Durant une récente conférence à la Maison Internationale du Japon à Tokyo, Lee Thompson, professeur à l’Université Waseda, a mis en lumière certains d’entre eux. Une chose est sûre, les médias ont joué un rôle prépondérant dans ces changements depuis le XIXe siècle.

Le gagnant prend tout

Le public se montrant de plus en plus intéressé par les résultats, les journaux ont dû mettre au point des termes spécifiques pour analyser l’ambiguïté des résultats. Thompson cite des expressions comme zenshô et tsuchi tsukazu (littéralement « n’a pas touché et n’a pas été sali par la terre ») ce qui, en termes de sumo d’aujourd’hui signifie invaincu, mais qui dans leur invention allaient jusqu’à des résultats comme un match nul et même des matchs non combattus. Le terme yûshôsha, ou champion, a tout d’abord indiqué un lutteur avec des résultats exceptionnels et non le vainqueur du basho, comme c’est le cas aujourd’hui. L’établissement du système de championnat a fixé la majeure partie du lexique du sumo, et Thompson explique qu’il continue à se développer.

Motivée par une popularité grandissante, l’Association japonaise de sumo (Nihon sumô kyôkai), l’organisme en charge de ce sport, a commencé à prendre des mesures pour assurer un courant régulier de spectateurs payants en institutionalisant certains aspects du sumo. En 1909, elle ouvre le Kokugikan, un site couvert réservé uniquement au sumo à Tokyo ; en 1926, elle adopte officiellement le système de championnat et en 1928 elle met en place des règles pour que les pertes durant un affrontement soient incontestables, garantissant ainsi clairement un seul gagnant à la fin des tournois.

Une des mesures finales dans la création de ce système de championnat moderne a été prise en 1947, lorsque l’association a établi une structure éliminatoire pour décider des champions en cas de matchs nuls.

Davantage de tradition, davantage de morale

Thompson fait également remarquer que la popularité du sumo induite par les médias a entraîné des changements dans l’intention de donner au sport une image plus traditionnelle. En 1909, l’Association du sumô modifie les uniformes des gyôji, les arbitres des combats, qui passent du kamishimo, un costume de cérémonie de l’époque d'Edo (1603-1868), au hitatare plus complexe et datant de la période médiévale. Puis en 1931, le toit rustique irimoya-zukuri surmontant l’arène est éliminé et remplacé par le style shinmei-zukuri généralement utilisé pour les sanctuaires shintô.

La radio et la télévision ont également joué un rôle pour modeler la façon dont le sumo est apprécié aujourd’hui. En 1928, le shikiri, un long rituel durant lequel les lutteurs se préparent au combat en se faisant face accroupis et en jetant des poignées de sel a été limité à 10 minutes – il était illimité auparavant – afin de convenir à la retransmission radio. Cette durée a été encore raccourcie pour la retransmission télévisée cette fois, à 4 minutes pour les plus grands lutteurs et à des durées moindres pour les combattants de rang inférieur.

Thompson ajoute que le développement du système de championnat et la traditionalisation du sumo a fortement influencé la manière dont les fans contemporains voient le sport et ses participants. Alors qu’historiquement, les rikishi n’étaient pas tenus à une moralité de haut standard, ils doivent aujourd’hui personnifier la dignité dite hinkaku. Toutefois, les rikishi sont humains et font des erreurs de morale, illustrée notamment par le scandale des matchs arrangés et la violence en dehors de l’arène qui ont déclenché des tempêtes au sein des médias ces dernières années. (Voir notre article sur la déchéance du yokozuna Harumafuji)

(D’après un original en anglais. Photo de titre : Kisenosato est poussé hors de l’arène par Tamawashi durant le tournoi de Kyûshû le 12 novembre 2017. Jiji Press)

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