
Les onomatopées japonaises : des sons, des images, des sensations…
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Des onomatopées qui décrivent des états physiques et émotionnels
Les giongo, loin de se limiter à la reproduction de sons par mimétisme, comprennent aussi des mots qui font davantage référence à des états physiques ou émotionnels (gitaigo). Waku waku correspond à une émotion intense, qu’il s’agisse de la joie ou de l’angoisse. Pika pika signifie « étincelant », « flambant neuf ». Kossori qualifie une action qui se fait secrètement, en toute discrétion, en douce. On trouve aussi des exemples d’onomatopées sans relation directe avec un son dans d’autres langues – par exemple bling bling, ric-rac, rikiki en français –, mais ils sont nettement plus rares qu’en japonais. C’est ce que les linguistes appellent des « idéophones » dont Claude Hagège donne la définition suivante dans son Dictionnaire amoureux des langues, paru aux Éditions Odile Jacob en 2009 : « Beaucoup de langues, mais non toutes, possèdent [...] des idéophones, ou mots qui, comme le dit ce terme, offrent une peinture sonore d'une idée, pour symboliser un état, une impression sensorielle, une manière d'être ou de se mouvoir, une action qui n'est pas nécessairement elle-même reproductrice d'un bruit. »
Parfois la distinction entre giongo et gitaigo est difficile à établir, comme pour doki doki qui signifie avoir le trac, c’est-à-dire l’angoisse irraisonnée que l’on éprouve avant de passer un entretien ou d’entrer sur scène. Si doki doki évoque indéniablement le bruit du cœur (toc toc) qui se met à battre la chamade, ce mot fait surtout référence à l’état émotionnel suscité par le trac. Un grand nombre d’autres onomatopées japonaises font en même temps allusion à un mouvement et au son qui l’accompagne. Mais ceux qui sont en train d’apprendre la langue de l’Archipel n’ont pas besoin de se préoccuper de distinctions aussi subtiles.
Certaines onomatopées japonaises ont un sens différent suivant qu’elles font office de giongo ou de gitaigo. Comme nous l’avons vu plus haut, don don évoque le son de coups violents frappés sur une porte (boum boum) ou le roulement d’un tambour (rantaplan). Toutefois cette onomatopée peut signifier aussi « sans cesse » ou « de façon continue » dans le cas d’une action ou d’un mouvement. Gata gata (criii) correspond non seulement à un grincement mais aussi à l’état d’un édifice « branlant » ou « instable ». Une astuce qui permet de s’y retrouver, c’est que les giongo sont en général transcrits à l’aide de katakana alors que les gitaigo sont le plus souvent écrits en hiragana. Mais il ne faut jamais oublier qu’il n’existe aucune règle établie en la matière.
Un vocabulaire d’une grande richesse
Quand on les traduit dans une autre langue, les giongo prennent fréquemment la forme d’un adverbe ou d’un adjectif. Les onomatopées accolées à un verbe comme warau (rire), naku (pleurer) ou taberu (manger) ont un rôle similaire à celui qui leur est assigné en français par exemple. Kusu kusu warau signifie « rire sous cape », « avoir un rire étouffé » alors que gera gera warau veut dire « rire à gorge déployée » ou « bruyamment ». Gatsu gatsu taberu se traduit par « manger goulûment » ou « se goinfrer », et mogu mogu taberu par « mâchonner » ou « mordiller ».
Les giongo et les gitaigo comportent beaucoup d’autres nuances de sens très subtiles qui n’ont pas toujours un équivalent dans les autres langues. C’est pourquoi ces mots qui sont pourtant d’un usage courant dans la vie de tous les jours ne sont pas toujours faciles à maîtriser. Mais les onomatopées font partie intégrante de la langue de l’Archipel. Et même si on ne leur accorde pas autant d’importance qu’aux kanji, elles ne doivent en aucun cas être négligées par ceux qui apprennent le japonais et veulent le parler « couramment » (pera pera) et le lire « sans peine » (sura sura).
Exemples d’onomatopées évoquant des sons (giongo) ou des états physiques et émotionnels (gitaigo)
Sons produits par des êtres humains | |
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Gohon (kof kof !) | toux |
Wai wai (brouhaha) | discussion animée, cris, bruit de jeux |
Cris émis par des animaux | |
Mô mô (meuh !) | meuglement de la vache |
Kaa kaa (crôa crôa !) | croassement du corbeau |
Sons produits par un phénomène naturel | |
Hyû hyû (whou-ou-ou-ou) | bruit du vent |
Goro goro (baoumbadaboum !) | grondement du tonnerre |
Autres sons | |
Rin rin (drelin-drelin) | tintement de la sonnette d’une bicyclette |
Saku saku (crac crac !) | craquement produit quand on marche sur la neige ou que l’on mord dans un fruit |
Description d’un mouvement | |
Guru guru | tourner, mouvement de rotation |
Yukkuri | sans hâte, sans se presser, lentement, à loisir |
Évocation d’un état, d’une consistance | |
Bisshori | suer à grosse gouttes, être trempé de sueur |
Fuwa fuwa | évoque quelque chose de léger, de délicat, par exemple une texture moelleuse ; ou encore quelque chose qui s’envole ou qui flotte, comme les nuages |
Description d’une sensation physique | |
Kuta kuta | se sentir épuisé, sans énergie |
Muka muka | avoir la nausée, avoir mal au cœur |
Évocation d’une émotion | |
Ira ira | irritation, colère, hargne, impatience |
Kuyo kuyo | tristesse, mélancolie, inquiétude |
(Adapté d’un texte original en anglais du 13 octobre 2015. Photo de titre, avec l’aimable autorisation de Shinichi Higashi)