Quelle est la religion de l’empereur ?

Société

Que reste-t-il des liens extrêmement profonds qu’entretenaient les empereurs d’autrefois avec les religions ? Si les actions de l’empereur se traduisent par des visites dans les lieux frappés par des désastres naturels, et par des voyages commémoratifs, quelle est la foi qui étaye ces initiatives ?

Un rapprochement avec le shintô à partir de l’ère Meiji

Avec le début de l’ère Meiji (1868-1912), le bouddhisme et le shintô ont été séparés. C’est ce qu’on appelle le shinbutsu bunri, la séparation du shintô et du bouddhisme. Cela a conduit au mouvement haibutsu kishaku, se traduisant par la fermeture des temples, la destruction des biens bouddhiques et la contrainte pour les prêtres et les nonnes bouddhistes d’abandonner l’habit. À l’époque où le palais impérial était à Kyoto, il existait dans son enceinte un endroit appelé le okurodo, où se trouvait l’autel bouddhiste de la famille impériale. Avec le shinbutsu bunri, cet autel bouddhique a été transféré au temple Sennyû-ji, le temple mortuaire de la maison impériale.

Les liens entre l’empereur et le shintoïsme, ou entre l’empereur et le bouddhisme, ont radicalement changé à l’ère Meiji. Le gouvernement d’alors souhaitait à l’origine rétablir le pouvoir de l’empereur, et il a pour cela chassé le bouddhisme de la maison impériale, afin de promouvoir l’établissement d’une nation axée autour du shintoïsme. Le prince Yamashina (1816-1891), un membre de la famille impériale qui avait autrefois pris l’habit bouddhiste et dirigé un temple, avait espéré avoir des funérailles bouddhistes, mais le gouvernement de Meiji ne l’a pas autorisé.

Au contraire, en l’an 2 de l’ère Meiji (1869), l’empereur du même nom, qui n’était alors âgé que de 16 ans, s’est rendu pour la première fois en tant qu’empereur au sanctuaire shintô d’Ise. La raison pour laquelle ses prédécesseurs ne l’avaient pas fait demeure une énigme, mais ce pèlerinage a renforcé les liens entre l’empereur et le shintoïsme. Soulignons que 195 temples bouddhistes qui se trouvaient le long de la route suivie par l’empereur ont été détruits à cette occasion.

L’opinion de l’empereur Meiji sur ces changements nous est inconnue. Il est possible qu’étant donné son âge, il n’ait pas encore eu de conviction ferme sur la religion ou la foi. Ce qui est certain, c’est que l’expulsion du bouddhisme de la maison impériale a été réalisée par des adeptes du shintoïsme et des spécialistes du Kokugaku (études du Japon), qui voulaient faire du shintô l’axe de la nation japonaise.

Le gouvernement de Meiji a sorti le shintoïsme du cadre des religions. Concrètement, alors qu’il existait à l’origine au sein du ministère de l’Intérieur un bureau des sanctuaires shintô et des temples bouddhistes, celui-ci a ensuite été scindé en deux : un bureau du shintô, et un autre des religions. La différence de traitement entre le shintoïsme et les autres religions, bouddhisme ou christianisme est alors claire.

La nouvelle Constitution (Constitution de l’Empire du Japon, ou Constitution de Meiji) qui avait déjà été adoptée reconnaissait aux citoyens la liberté de culte. Cette séparation du shintoïsme des autres religions avait pour but de l’imposer comme morale nationale au peuple tout entier qui devait participer à ses rituels.

L’empereur jouait le rôle du prêtre shintô, chargé des cérémonies tenues dans les trois sanctuaires du palais impérial, destinées à la vénération de ses ancêtres, et de tous les dieux du ciel et de la terre. Le peuple vénérait ces dieux, et par là même, l’empereur qui les célébrait. Ce système a été mis en place à l’époque Meiji.

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