La princesse Mako et l’avenir de la maison impériale
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Les récents reportages des médias sur la princesse Mako d’Akishino, la petite-fille de l’empereur Akihito, âgée de 25 ans, ont donné aux observateurs de la famille impériale de bonnes raisons de se réjouir. L’emballement des médias a commencé en mai, avec la révélation soudaine des fiançailles imminentes de la princesse, pour se poursuivre en juin, avec la couverture de son voyage au Bhoutan, où elle est arrivée le 1er du mois à l’invitation du roi Jigme Khesar Namgyel Wangchuck.
Dans un monde en pleine mutation, la maison impériale constitue un objet d’admiration en tant qu’emblème de l’histoire et de la culture du Japon. Pendant son séjour d’une semaine au Bhoutan, la princesse Mako, habillée du kimono traditionnel pour un grand nombre de ses apparitions publiques, semble avoir été consciente de ce rôle. À l’occasion de l’Exposition royale de fleurs, l’un des grands moments de sa visite, elle avait choisi un exquis kimono en soie de style furisode (aux longues manches ballantes) teint à la manière yûzen, au motif de nuages brodés d’or. Les nuages, considérés par la tradition comme la demeure des dieux et des dragons, constituent un motif de bon augure dans les arts décoratifs japonais. La ceinture obi, décorée de fleurs et de phénix (autre symbole porte-bonheur) complétait cette tenue, dont l’apparence festive et néanmoins élégante était parfaitement appropriée à la situation.
Des nouvelles aigres-douces
La princesse Mako est la fille aînée du prince Akishino (le second fils de l’empereur et de l’impératrice) et de la princesse consort Kiko. En japonais, elle porte le titre de naishinnô, attribué aux filles et petites-filles dans la lignée masculine d’un empereur. La princesse Mako, qui a fait des études d’histoire de l’art à l’Université d’Edinburgh et obtenu un diplôme de muséologie de l’Université de Leicester, parle couramment l’anglais. Pendant son séjour au Bhoutan, sa maîtrise de cette langue lui a permis de remplir avec assurance son rôle d’ambassadrice culturelle (une importante fonction de la monarchie japonaise).
Hélas, ce voyage pourrait bien être sa dernière visite officielle à l’étranger en tant que membre de la famille impériale. En effet, l’annonce de ses fiançailles avec Komuro Kei, un ancien camarade de classe de l’Université chrétienne internationale de Tokyo, devrait être officiellement confirmée dans les mois qui viennent. Or, dans l’état actuel de la Loi de la maison impériale, lorsqu’elle se marie, la princesse Mako doit renoncer à son statut impérial.
Le dilemme de la famille impériale
On dit que la princesse Mako et Komuro Kei se sont rencontrés il y a cinq ans dans un groupe de discussion pour étudiants intéressés par les études à l’étranger. M. Komuro a fait sa demande en mariage un an plus tard, mais leur relation n’a pas été rendue publique avant le mois de mai dernier. Entre-temps, la princesse a continué ses études et occupé un poste de chercheuse au Musée de l’Université de Tokyo, sans jamais cesser de remplir ses fonctions officielles en tant que membre de la maison impériale. Komuro Kei a lui aussi poursuivi ses études, avant de prendre un emploi dans un cabinet juridique.
Bien entendu, les fiançailles imminentes et le futur mariage du couple offrent une bonne raison de se réjouir. Mais dans le même temps, l’annonce de ces événements a mis en relief le dilemme auquel la maison impériale se trouve confrontée du fait de son vieillissement et de sa taille de plus en plus réduite.
La famille impériale japonaise compte aujourd’hui 19 membres (y compris l’empereur âgé de 83 ans), dont seulement 8 d’entre eux sont encore dans leur trentaine ou plus jeunes. Sur ces 8 membres, 7 sont de sexe féminin. Dans l’état actuel de la loi, seuls les hommes issus de la lignée masculine peuvent prétendre à la succession, tandis que les princesses nées au sein de la famille impériale renoncent à leur titre et deviennent roturières lorsqu’elles se marient en dehors de la famille (ce qui est désormais la seule véritable option en termes de mariage). Si les 7 jeunes femmes de la famille impériale choisissent toutes de se marier, il n’y aura plus d’autres jeunes personnes dans ses rangs que le prince Hisahito, le frère cadet de la princesse Mako, aujourd’hui âgé de 10 ans – et c’est sur ses seules épaules que pourrait reposer tout le fardeau des charges incombant à la monarchie. Les conséquences à long terme de cette situation sont en vérité inquiétantes pour la succession impériale.
Une issue en vue
Depuis quelque temps déjà, l’Agence de la maison impériale s’efforce de convaincre le gouvernement de la nécessité de procéder à une réforme de la Loi de la maison impériale en vue d’éviter une crise. En 2012, quand le Parti démocrate du Japon était à la barre, le gouvernement s’est attelé à cette tâche avec un certain empressement. L’idée était de conserver le principe d’une succession masculine (à laquelle nombre de conservateurs sont très attachés), mais d’autoriser les naishinnô comme la princesse Mako à rester membres de la maison impériale après leur mariage et à fonder leurs propres branches collatérales, à l’instar des princes. D’après un haut fonctionnaire travaillant à l’époque à l’Agence de la maison impériale, l’empereur et l’impératrice souhaitaient que leurs petites-filles restent dans la famille pour apporter leur assistance au prince Hisahito, le futur empereur sur lequel repose le sort de la monarchie.
Dans ce contexte, il semble que l’empereur et l’impératrice aient placé beaucoup d’espoirs sur la princesse Mako. Tout de suite après la naissance du prince Hisahito, survenue en 2005, la princesse Mako, qui avait alors 16 ans, a commencé à figurer de plus en plus souvent aux côtés de ses parents dans l’accomplissement de leurs fonctions officielles. L’empereur et l’impératrice étaient à l’évidence fiers de leur petite-fille, autant pour le zèle avec lequel elle s’acquittait de ses obligations que pour son application à l’étude.
Une résistance conservatrice à la réforme
Mais à la fin de l’année 2012, quand le Parti libéral-démocrate est revenu au pouvoir et que Abe Shinzô est devenu Premier ministre, les projets d’amendement de la Loi de la maison impériale et de révision du statut de la princesse ont été mis en veilleuse. M. Abe et la base conservatrice sur laquelle il s’appuie sont hostiles à cette réforme, dont ils redoutent qu’elle ouvre la porte à une succession féminine.
Puis, en août 2016, l’empereur Akihito s’est exprimé, de façon tout à fait inattendue, sur une vidéo, diffusée à la télévision, dans laquelle il soulignait l’aggravation des difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de ses obligations en tant que symbole de l’État. En réponse à la demande tacite de l’empereur, le gouvernement a soulevé la question de l’abdication, qui n’est pas prévue dans la loi. Pendant les débats qui ont suivi, l’opposition a de nouveau évoqué la possibilité d’autoriser la constitution de branches de la famille impériale menées par des femmes, mais elle s’est heurtée à une forte résistance.
Finalement, le 9 juin de cette année, la Diète nationale a adopté un texte de loi spécial qui autorisera l’empereur Akihito à abdiquer en faveur du prince héritier Naruhito (âgé de 57 ans). Ce texte s’accompagne d’une résolution appelant à une nouvelle délibération sur des réformes « telles que l’établissement de branches de la famille impériale menées par des femmes ». Sur l’insistance des conservateurs, la formulation de la résolution est restée vague et aucun calendrier n’a été fixé pour les débats.
C’est ainsi que des liens étroits ont été tissés entre le mariage de la princesse Mako et le débat politique à propos de la succession. La princesse, membre apprécié de la famille impériale, est-elle vouée à mener une vie de roturière à l’écart de la monarchie ? Ou bien les dirigeants politiques ouvriront-ils la porte à de nouvelles possibilités susceptibles d’assurer l’avenir de l’institution impériale ? La nation observe attentivement l’évolution de la situation.
(D’après un article en japonais du 9 juin 2017. Photo de titre : la princesse Mako en visite au Bhoutan, le 4 juin 2017. Jiji Press)