L’impératrice Michiko : un parcours semé d’épreuves aux côtés de l’empereur du Japon

Société

Watanabe Midori [Profil]

L’abdication de l’empereur : les mots employés par les médias ont choqué l'impératrice

Le 8 août 2016, l’empereur Akihito a prononcé une allocution télédiffusée dans laquelle il a évoqué, en termes voilés, son souhait d’abdiquer en raison de son âge. Trois mois plus tard, l’impératrice Michiko a répondu par écrit, à l’occasion de son 82e anniversaire, à des questions posées par la presse. Et elle a notamment dit ce qui suit. « Quand j’ai vu les mots seizen taii [littéralement "abdication avant la mort"] en gros caractères à la une des journaux, j’ai éprouvé un grand choc. J’ai ressenti non seulement de l’étonnement mais aussi de la peine, l’espace d’un instant, sans doute parce que jusque-là, je n’avais jamais rencontré cette expression, même dans les écrits historiques. J’ai fait peut-être aussi preuve d’une trop grande sensibilité. »

Depuis son mariage en 1959, Shôda Michiko est restée aux côtés de son époux d’abord en tant que princesse héritière durant le règne de l’empereur Shôwa (Hirohito), puis en tant qu’impératrice après l’accession au trône de l’empereur Akihito, en 1989. Au fil des années, elle a dû sûrement nourrir toutes sortes de pensées en son cœur. Mais durant tout ce temps, elle a assumé avec une grande énergie son rôle de consort à l’occasion non seulement des rituels célébrés dans le palais impérial mais aussi de ses obligations officielles au Japon et dans le reste du monde. Le peuple japonais est certes plein d’amour et de respect pour elle, mais son parcours n’en a pas pour autant été de tout repos. Dans les lignes qui suivent, je me propose de revenir sur les difficultés qu’elle a rencontrées. Je me sens d’autant mieux qualifiée pour le faire que je la suis de près depuis des années, en tant que journaliste, et que je suis née comme elle en 1934.

Une réaction sans précédent face à de fausses rumeurs

L’impératrice du Japon a eu 59 ans le 20 octobre 1993. Ce matin-là, j’ai donné une conférence à l’université où j’enseignais, sur le thème de « L’accomplissement personnel de l’impératrice Michiko ». Quand je suis rentrée chez moi peu après 11 heures, j’ai trouvé une dizaine de messages sur mon répondeur. L’impératrice avait eu un malaise et différents medias me demandaient de commenter l’incident ou de participer à des programmes d’information. J’ai décidé de donner la priorité à une émission de la chaîne de télévision NTN (Nippon Television Network) où j’avais travaillé auparavant et je me suis donc rendue aussitôt sur place.

À l’époque, des revues hebdomadaires avaient publié des articles avec des titres tels que : « Des arbres du palais impérial chéris par le [défunt] empereur Shôwa ont été coupés à la demande de l’impératrice Michiko. » À les croire, la suppression de ces arbres était justifiée par la construction d’une nouvelle résidence impériale à leur emplacement. Quand j’ai appris que l’impératrice avait eu un malaise, cette campagne de dénigrement m’est aussitôt revenue à l’esprit.

Face à ces accusations sans fondement, l’impératrice Michiko avait alors pris l’initiative – un exemple sans précédent dans la famille impériale – de les réfuter lors de réponses écrites à des questions de la presse. « Je pense que, quelles que soient les critiques, je dois y prêter l’oreille parce que cela me permet de réfléchir sur moi-même. Si j’ai manqué de considération ou blessé des gens par mes paroles, d’une façon ou d’une autre, je les prie de bien vouloir me pardonner. Mais les informations contraires à la vérité me remplissent de tristesse et me laissent perplexe. Notre société ne doit pas interdire les critiques mais je ne souhaite pas non plus qu’elle autorise des accusations répétées ne reposant sur aucune réalité. »

Une règle fondamentale de la famille impériale japonaise veut pourtant que ses membres s’abstiennent de tout commentaire favorable ou défavorable en public. Jusque-là, on n’avait jamais entendu une épouse d’empereur s’exprimer ouvertement en réponse à de fausses informations véhiculées par les médias. J’ai été émue par l’attitude positive dont l’impératrice Michiko a fait preuve en choisissant de répondre aux questions sur les articles incriminant la maison impériale. Loin de se contenter d’ignorer le problème comme le voulait la tradition, elle a fait une déclaration qui portait sur le fond de l’affaire.

L’impératrice Michiko est titulaire d’un diplôme du département de littérature et de langues étrangères de l’Université du Sacré-Cœur (Seishin) de Tokyo, obtenu en 1957, et elle fait partie de la première génération de l’après-guerre à avoir reçu une éducation démocratique. Pour elle, exprimer clairement ses pensées à propos de nouvelles sans fondement devait sans doute aller de soi.

Suite > Une impératrice aphone pendant plusieurs mois

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Watanabe MidoriArticles de l'auteur

Professeur invité de l’Université Bunka Gakuen depuis 1990. Diplômée de l’Université Waseda, elle rejoint Nippon TV en 1957 et y est chargée d’émissions d’actualités et informations. À partir de sa couverture du mariage du prince héritier en 1959, elle devient productrice des programmes autour de la famille impériale. En 1980, elle réalise un documentaire sur « 15 ans à regarder grandir les triplés », pour lequel elle reçoit le Prix du Meilleur Programme sur un sujet de société de la Japan Commercial Broadcasters Association. Auteur de : Impératrice Michiko, le Voyage de la Vie (1994), Chanel Style (2005), etc.

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