Le début tardif des mesures de lutte contre la pauvreté des enfants

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Les mesures du gouvernement pour y remédier

C’est dans ce contexte que la majorité et l’opposition ont adopté en 2013 la loi contre la pauvreté des enfants. Elle impose au gouvernement l’obligation de prendre des mesures à cet égard. L’année suivante, les directives relatives à la lutte contre la pauvreté des enfants ont été adoptées par le gouvernement, et les écoles qui ne s’étaient jusqu’alors pas activement intéressées à l’environnement familial des enfants sont devenues les « plateformes » des mesures de lutte contre cette pauvreté. Ce n’est qu’à partir de 2015 que des mesures financées ont commencé à être mises en place.

Le gouvernement Abe a lancé le « Plan de soutien à l’autonomie des familles mono-parentales et des familles nombreuses », et le projet de budget de l’année 2016 adopté le 22 décembre 2015 comprend des fonds pour l’expansion des bourses scolaires sans intérêts, et le paiement d’une allocation aux familles ayant plus d’un enfant (il s’agit d’une allocation destiné aux familles mono-parentales à faibles revenus).

La méconnaissance des inégalités conduit à des abus

Comparées à celles de beaucoup de pays avancés, ces mesures de lutte contre la pauvreté des enfants ne peuvent qu’être qualifiées de débutantes. Prenons par exemple l’expansion des bourses scolaires : au Japon, il n’existe pas de véritables bourses mais seulement des prêts consentis pour financer les études. Le Japon est un des pays de l’OCDE où les études supérieures coûtent le plus cher aux familles.

Quant à l’expansion des allocations familiales, leur montant au Japon ne permet pas de vivre (il est au maximum de 42 000 yens par mois, plus 5 000 yens quand il y a deux enfants, et 3 000 yens par enfant supplémentaire). Plus de 80 % des mères qui élèvent seules leurs enfants (les familles mono-parentales sont quasiment exclusivement dirigées par des femmes) travaillent, mais plus de 50 % connaissent la pauvreté relative. Moins de 20 % d’entre elles touchent une pension alimentaire payée par les pères des enfants, parce qu’il n’existe aucun moyen de contraindre les pères à payer.

Le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale augmente peut-être, mais il ne concerne qu’environ 2 % de la population. Par ailleurs, le montant des allocations familiales universelles (sans condition de ressources) est faible, et il n’existe pas de système pour aider les personnes ayant des revenus faibles (comme une allocation logement, ou une aide alimentaire). Par ailleurs, le régime de pension nationale et le régime de protection sociale nationale auxquels appartiennent les travailleurs précaires et les travailleurs non salariés pèsent plus lourd sur les faibles revenus.

Tout cela résulte du fait que le Japon a longtemps ignoré le problème de la pauvreté et qu’aucune attention particulière n’a été accordée aux faibles revenus dans les différents systèmes. Les Japonais doivent prendre conscience du retard pris par leur pays par rapport aux autres pays avancés dans le domaine de la lutte contre la pauvreté.

(D’après un texte original écrit en japonais le 12 janvier 2016.)
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Abe AyaArticles de l'auteur

Professeur à l’Université métropolitaine de Tokyo. Spécialiste de la pauvreté, de l’exclusion et de la sécurité sociale, elle crée en novembre 2015 au sein de cette université le Centre de recherche sur la pauvreté des enfants et des jeunes qu’elle dirige depuis. Diplômée du Massachussetts Institute of Technology, elle poursuit ensuite ses études à la Fletcher School of Law and Diplomacy de la Tufts University aux États-Unis, où elle obtient son doctorat. Après avoir travaillé pour les Nations unies, et l’Agence japonaise de coopération internationale, elle est embauchée en 1999 par l’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale, dont elle devient en 2010 directrice de l’analyse appliquée à la sécurité sociale, poste qu’elle quitte en avril 2015 pour l’Université métropolitaine de Tokyo. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sous la pauvreté enfantine : Réfléchir aux inégalités au Japon – la pauvreté des enfants (Iwanami Shoten, 2008), Une société qui n’a pas de place pour les faibles (Kôdansha, 2011), et Réfléchir à des solutions pour résoudre le problème de la pauvreté des enfants (Iwanami Shoten, 2014).

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