Le début tardif des mesures de lutte contre la pauvreté des enfants

Société

Abe Aya [Profil]

La pauvreté des enfants commence à être reconnue

Pendant qu’il était au pouvoir, le Parti démocrate a pris différentes mesures, comme l’expansion des allocations familiales pour les familles ayant des enfants et la gratuité du lycée. Même après le retour au pouvoir de la coalition entre le Parti libéral-démocrate et le Kômeitô, l’intérêt pour la pauvreté, et particulièrement celle des enfants, a continué car sa réalité est devenue de plus en plus connue.

Pour ne prendre qu’un exemple, les données fournies par l’enquête du ministère de l’Éducation, des Sciences et des Technologie, sur le niveau scolaire des élèves de 6e et dernière année d’école primaire rapportées au niveau de revenus de leurs familles ont établi une corrélation remarquable entre revenus et niveau scolaire. Cette corrélation est bien connue hors du Japon mais elle a stupéfié la population japonaise, et même les milieux gouvernementaux et éducatifs.

J’avais montré dans une étude publiée en 2010 le rapport entre la santé des enfants et le niveau des revenus de leurs parents. Des recherches récentes ont aussi mis à jour le fait que l’obésité est fréquente chez les enfants de familles pauvres. Les Japonais qui étaient jusqu’alors inattentifs à l’influence de la situation économique des parents sur les enfants, parce qu’ils croyaient aveuglément au mythe du Japon, société égalitaire, en sont venus à prendre conscience des corrélations qu’établissent ces données.

L’impact de la pauvreté sur les enfants a aussi été rapporté par les professionnels qui ont affaire à eux. Les pédiatres ont fait état d’enfants malades que leurs parents ne font pas soigner parce qu’ils n’ont pas les moyens, ou encore de parents qui demandent aux écoles de ne pas emmener leurs enfants chez le médecin même lorsqu’ils sont malades en classe.

Des écoles ont parlé du fait que certains élèves sont incapables de se concentrer le matin parce qu’ils n’ont pas mangé de petit-déjeuner. D’autres ont indiqué que certains élèves perdaient du poids pendant les vacances d’été, parce qu’ils n’avaient pas accès au repas de midi servi à l’école. Et les centres de loisirs ont fait savoir que certains des enfants qui les fréquentent ne mangent apparemment pas de repas de midi.

Comme les journaux et la télévision se sont aussi mis à parler de tout cela, les Japonais sont aujourd’hui conscients du fait que la pauvreté des enfants constitue un problème important pour la société.

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Abe AyaArticles de l'auteur

Professeur à l’Université métropolitaine de Tokyo. Spécialiste de la pauvreté, de l’exclusion et de la sécurité sociale, elle crée en novembre 2015 au sein de cette université le Centre de recherche sur la pauvreté des enfants et des jeunes qu’elle dirige depuis. Diplômée du Massachussetts Institute of Technology, elle poursuit ensuite ses études à la Fletcher School of Law and Diplomacy de la Tufts University aux États-Unis, où elle obtient son doctorat. Après avoir travaillé pour les Nations unies, et l’Agence japonaise de coopération internationale, elle est embauchée en 1999 par l’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale, dont elle devient en 2010 directrice de l’analyse appliquée à la sécurité sociale, poste qu’elle quitte en avril 2015 pour l’Université métropolitaine de Tokyo. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sous la pauvreté enfantine : Réfléchir aux inégalités au Japon – la pauvreté des enfants (Iwanami Shoten, 2008), Une société qui n’a pas de place pour les faibles (Kôdansha, 2011), et Réfléchir à des solutions pour résoudre le problème de la pauvreté des enfants (Iwanami Shoten, 2014).

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