L’admiration du mangaka Inoue Takehiko pour l’architecte Antoni Gaudí

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Gonzalo Robledo [Profil]

Un intérêt commun pour la religion

La rencontre d’Inoue avec la vie de Gaudí lui a fait découvrir l’enfance rurale de l’architecte, né dans la province de Tarragone. Une grande partie de l’œuvre de Gaudí, comme les voûtes en arcs caténaires de la Sagrada Familia, est le résultat d’une observation attentive de la nature et de ses formes simples et épurées.

Comme beaucoup de personnes qui étudient la vie de Gaudí, Inoue a pris conscience des profondes croyances religieuses de l’architecte, qui a passé les dernières années de sa vie à l’intérieur de la Sagrada Familia. Lorsqu’il a été critiqué pour les délais importants de construction de la cathédrale, Gaudí a répliqué : « mon client n’est pas pressé », en référence à Dieu. Les façades de la cathédrale comportent de nombreuses sculptures d’êtres humains, d’animaux et de plantes qui se caractérisent par leur réalisme et leur diversité.

La riche iconographie chrétienne présente dans l’œuvre de Gaudí a éveillé l’intérêt d’Inoue pour l’architecture shinto japonaise, qui tend à éviter les représentations réalistes et les ornementations superflues.

Une année passée au sanctuaire d’Ise

En particulier, Inoue s’est intéressé au sanctuaire d’Ise, l’un des centres du shintoïsme au Japon. En 2013, il a participé aux cérémonies liées à la reconstruction des bâtiments du sanctuaire, un rituel qui a lieu tous les vingt ans depuis plus d’un millénaire. Inoue a pris part à oshiraishi-mochi, une procession pendant laquelle des pierres blanches sont déposées sur le site où le nouveau sanctuaire sera construit.

Après avoir visité Ise et d’autres sanctuaires au Japon et rencontré des architectes de renom comme Fujimori Terunobu, Inoue a publié Shô, son deuxième livre après celui sur Gaudí. J’ai pu accompagner Inoue avec une équipe de tournage lors de ses visites de sanctuaires et nous avons filmé un court documentaire de 15 minutes en japonais, qui a été inclus sur le DVD vendu avec le livre et a également été diffusé sur History Channel au Japon.

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Troisième voyage à Barcelone

En 2013, j’ai accompagné Inoue lors de son troisième voyage sur les traces de Gaudí. Je filmais un documentaire d’une heure(*1) sur le voyage d’Inoue dans les zones rurales où Gaudí a passé une partie de sa jeunesse pour traiter son arthrite, qui l’a affligé toute sa vie. Le temps passé à la campagne lui a permis d’affiner ses capacités d’observation de la nature. Dans la province de Tarragone, Inoue a réalisé à quel point les phénomènes naturels comme les arbres tordus par le vent, les escargots et les os d’animaux ont inspiré les formes et les structures complexes et inhabituelles de l’architecture de Gaudí.

Bien que la façade de la Gloire de la Sagrada Familia n’ait pas encore été dévoilée au public, nous avons été invités lors de ce voyage à voir la partie de la façade où la phrase japonaise qu'Inoue avait écrite deux ans plus tôt a été gravée. La gravure est située vers le bas de l’énorme porte en métal. Inoue s’est mis à genoux pour toucher le message. Cette inscription traversera les siècles tel un témoignage de l’existence du mangaka qui a contribué à rassembler des domaines aussi disparates que le manga et l’architecture, le shintoïsme et le christianisme et les cultures espagnole et japonaise.

(Publié originellement en espagnol le 18 décembre 2015. Photo de titre : l’intérieur de la basilique Sagrada Familia à Barcelone.)

(*1) ^ Le documentaire Pepita: Inoue Takehiko meets Gaudí a été projeté lors d'évènements en 2013 et 2014 pour célébrer les 400 ans des relations entre l'Espagne et le Japon. Il a également été montré à l'exposition Inoue Takehiko Interprets Gaudí’s Universe de juillet 2014 à juillet 2015 à Tokyo, Kanazawa, Nagasaki, Kobe et Sendai.

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Gonzalo RobledoArticles de l'auteur

Journaliste et producteur. Fondateur de la société de production Pace. Né en 1958 à Pereira en Colombie. Venu au Japon en 1981. Après avoir travaillé en tant que journaliste pour le quotidien espagnol El Pais et Televisión Española, a servi comme envoyé spécial pour l’agence de presse espagnole EFE de 1997 à 2007. A écrit de nombreux articles pour des publications hispano-japonaises . A également travaillé pour des médias japonais, y compris NHK, Kansai Télévision, Asahi Graph, Mainichi Graph et Focus.

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