Mifune Toshirô : le destin singulier d’un acteur d’envergure mondiale

Culture Cinéma

Une longue collaboration fructueuse avec Kurosawa Akira

Mifune Toshirô en 1946, à l’âge de 26 ans. Cette année-là, il s’est rendu aux studios de la Tôhô pour postuler à un emploi de cameraman. Mais contrairement à ce qu’il souhaitait, il a été recruté comme suppléant par les chasseurs de talents de cette maison de production.

Au cours du printemps de l’année 1946, moins d’un an après la défaite japonaise, Mifune Toshirô a tourné un bout d’essai dans les studios de Kinuta de la Tôhô, situés dans le quartier de Setagaya, à Tokyo. La célèbre maison de production de cinéma était en train de faire passer des auditions pour trouver de « nouveaux visages ». En fait, le jeune homme s’était rendu sur place dans l’espoir de trouver un emploi en tant que cameraman. N’ayant obtenu aucun résultat dans le secteur qui l’intéressait, il avait accepté à contrecœur de passer une audition à la condition expresse que la Tôhô l’aviserait dès qu’elle aurait un poste en rapport avec son métier à lui offrir. Dans un premier temps, Mifune Toshirô n’a pas été retenu par le comité de sélection, mais le président du dit comité, le réalisateur Yamamoto Kajirô (1902-1974) a décidé de le mettre sur la liste d’attente en déclarant « Un type bizarre comme celui-là, ça peut toujours servir ! » Ce jour-là, Mifune Toshirô a fait sans le vouloir ses premiers pas dans la carrière d’acteur.

Les Sept samouraïs (1954) , Tôhô Collection DVD chefs-d'œuvre ©Tōhō

Le réalisateur Taniguchi Senkichi (1912-2007) a offert son premier grand rôle à Mifune Toshirô avec La Montagne d’argent, sorti en 1947. Le caractère entier et violent du jeune acteur a tout de suite séduit Kurosawa Akira qui lui a proposé d’interpréter dès l’année suivante un des principaux protagonistes de L’Ange ivre (1948). Ce film a constitué le début d’une collaboration étroite entre les deux hommes qui a marqué l’histoire du cinéma. Kurosawa Akira a dirigé Mifune Toshirô dans 16 films y compris des œuvres qui ont eu un retentissement international comme Rashômon (1950) et Les Sept samouraïs (1954). Les cinéphiles du monde entier sont devenus des fans de ces deux fleurons du cinéma japonais.

Le Château de l’araignée (1957) , Tôhô Collection DVD chefs-d'œuvre ©Tōhō / Barberousse (1965) , Tôhô Collection DVD chefs-d'œuvre ©Tōhō

Mais ce partenariat, si fructueux qu’il ait été, n’en était pas moins très éprouvant pour Mifune Toshirô en raison du caractère hautement perfectionniste de Kurosawa Akira. Pour la scène finale de Le Château de l’araignée (1957) par exemple, le réalisateur avait par exemple décidé que les archers qui attaquent Washizu Taketoki, le héros, devaient tirer avec de vraies flèches, pour plus de réalisme. Ce jour-là, Mifune Toshirô a vraiment craint pour sa vie. On raconte qu’après les journées de tournage particulièrement ardues, l’acteur avait coutume de boire copieusement et de se répandre en imprécations contre Kurosawa Akira. Mais il  n’en a pas moins continué à faire de son mieux pour se plier aux exigences constantes du réalisateur. Il excellait tellement dans les arts martiaux que les maîtres d’armes chargés d’orchestrer les combats étaient époustouflés par son maintien et sa dextérité. Dans une scène où il devait pourfendre une bande d’adversaires avec son sabre, le mouvement de son arme a été jugé trop rapide pour une pellicule de format 35 millimètres.

Mifune Toshirô au cours du tournage du film Le Garde du corps (1961) de Kurosawa Akira, dans les studios de Kinuta de la maison de production de cinéma Tôhô, située dans l’arrondissement de Setagaya, à Tokyo.

La collaboration entre Kurosawa Akira et Mifune Toshirô a duré plus de 15 ans et elle correspond à l’âge d’or du cinéma japonais. Ce partenariat prolifique a pourtant pris fin en 1965 avec Barberousse. Beaucoup de rumeurs faisant état d’une rupture dans des conditions peu amicales ont circulé à ce sujet. Mais elles ont été fermement démenties par Kurosawa Hisao, fils aîné d’Akira et producteur de cinéma. Celui-ci insiste sur le fait que les deux hommes se respectaient mutuellement et que leur relation était aussi harmonieuse que celle d’une voiture et de son moteur. Il se souvient toutefois aussi que son père disait que diriger un acteur doté d’une telle trempe et d’une aura aussi forte était un combat permanent qui « relevait du domptage d’un animal sauvage ».

Mais Mifune Toshirô n’en reste pas moins l’acteur que Kurosawa Akira a le plus aimé. Il avait, pour sa part, le plus grand respect pour le cinéaste japonais et il aurait bien volontiers continué à travailler avec lui. Malheureusement, le monde du cinéma était en train d’évoluer à toute vitesse et c’est probablement ce qui a provoqué la rupture entre les deux hommes.

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