Opdivo, une molécule d’immunothérapie contre le cancer

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Un traitement très prometteur avec peu d’effets secondaires, mais extrêmement coûteux

Le nivolumab se distingue nettement des traitements classiques à plusieurs égards, à commencer par des avantages incontestables. D’abord, on peut l’utiliser pour soigner tous les types de cancer. Ensuite, il n’a pas beaucoup d’effets secondaires. Enfin, il continue à être efficace une fois que le patient a répondu au traitement, même si le cancer est en phase terminale, et il peut aussi être administré de façon répétitive. Contrairement aux thérapies ciblées qui visent spécifiquement une protéine ou un mécanisme impliqué dans le développement d’une tumeur, les inhibiteurs de points de contrôle peuvent traiter une grande variété de cancers. « Je crois que bientôt, on cessera d’utiliser les traitements classiques actuels et qu’on soignera tous les cancers avec les anticorps PD-1 », affirme Honjo Tasuku.

Le nivolumab a également un inconvénient, en l’occurrence, son prix très élevé. Le coût moyen du traitement annuel d’un patient se situe aux alentours de 15 millions de yens (environ 120 000 euros). Mais les thérapies ciblées sont elles aussi très coûteuses et, qui plus est, au bout d’un laps de temps assez court, elles deviennent inefficaces parce que les cellules cancéreuses ont muté. Le prix du nivolumab ne paraît pas si exorbitant quand on sait qu’il a partiellement ou totalement éliminé les cellules cancéreuses d’un grand nombre des malades auxquels il a été administré. Si ce traitement est couvert par l’assurance-maladie japonaise, il entrera dans la catégorie des médicaments coûteux et la part assumée par le patient restera limitée. Mais pour le budget déjà très serré de la sécurité sociale, il constituera une lourde charge supplémentaire.

Le problème le plus préoccupant posé par le nivolumab c’est que s’il agit très bien sur certains patients au point qu’ils n’ont plus besoin d’en prendre, il s’est avéré sans aucun effet sur d’autres. Plusieurs solutions ont été envisagées pour remédier à cet inconvénient, notamment un début de traitement plus précoce et le repérage de marqueurs tumoraux qui permettraient de savoir si le produit a ou pas un effet sur le malade.

Les mérites de la recherche translationnelle et des relations interactives avec les laboratoires pharmaceutiques

La mise au point du nivolumab et la planification du premier essai clinique prouvant la faisabilité du concept de base ont été rendues possibles grâce à la « recherche translationnelle » qui, à travers une étroite collaboration entre les chercheurs et les cliniciens, a permis une interaction entre les connaissances de la recherche cognitive et leur application au bénéfice des patients.

Le 1er avril 2015 a coïncidé avec la création de l’Agence japonaise pour le développement et la recherche médicale (AMED), une des mesures-phares de la « troisième flèche » des « Abenomics », la stratégie de croissance destinée à encourager l’investissement privé
du Premier ministre Abe Shinzô. La recherche fondamentale du Japon n’a rien à envier aux autres pays, ne serait-ce que dans le domaine des cellules souches pluripotentes induites (CSPi). Mais jusqu’à ces derniers temps, l’Archipel ne disposait pas d’un système efficace permettant aux découvertes de la recherche de déboucher sur des applications cliniques. L’AMED est un organisme comparable aux Instituts américains de la santé (NIH), qui est chargé de gérer le budget de la recherche médicale japonaise et de promouvoir les applications pratiques des résultats de ses travaux.

« Au Japon, les découvertes médicales ne bénéficient d’aucun retour de la part de ceux qui les exploitent et la recherche ne dispose pas de moyens suffisants », précise Honjo Tasuku qui a passé plusieurs années dans un NIH. « Il faut créer une relation interactive entre les universités et les entreprises par le biais d’un mécanisme de redistribution des profits engrangés par les laboratoires pharmaceutiques aux établissements universitaires. Ce qui permettra de former de nouveaux chercheurs et de semer les graines des découvertes de demain. »

Le jour où les grands laboratoires pharmaceutiques et les universités noueront des relations interactives où chacun trouvera son compte, les hommes auront fait un grand pas en avant dans la lutte acharnée qui les oppose au cancer.

(D’après un article en japonais du 22 avril 2015. Photo de titre : Honjo Tasuku (à gauche), lors de la cérémonie de remise des prix de la Tang Prize Foundation, à Taipei, le 18 septembre 2014. Avec l’aimable autorisation de la Tang Prize Foundation.)

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