
Les sans-abri et les prestations sociales au Japon
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De nouvelles lois pour aider les sans-abri
Hamakaze, le centre d’hébergement public à Kotobukichô.
Aujourd’hui, on voit beaucoup moins de sans-abri dans les rues de Yokohama. C’est aussi vrai à l’échelle nationale : leur nombre est passé de 25 296 en 2003 à 7 508 en 2014. Ce progrès est en grande partie dû à la promulgation de la loi en 2002 d’aide à l’autosuffisance des personnes sans abri, prévue pour durer 10 ans mais prolongée de 5 ans en 2012. Dans ce cadre, les autorités nationales et locales se sont partagé le coût de la construction d’un réseau de refuges pour héberger les sans-abri et les aider à retrouver du travail et un logement.
Le centre d’hébergement Hamakaze, situé au cœur de Kotobukichô, est le seul refuge construit dans le but d’abriter de manière permanente des sans domicile fixe. Le bâtiment blanc de 7 étages est équipé de 226 lits, 206 pour les hommes et 20 pour les femmes, à un étage réservé. Les chambrées comptent entre 4 et 8 lits. Le séjour maximal est d’un mois dans les étages inférieurs et de six mois à l’étage supérieur, réservé aux personnes qui ont retrouvé du travail mais ont besoin de temps avant d’emménager dans leur propre logement. Il est possible d’y résider plusieurs fois, avec toutefois un mois de battement entre chaque séjour. C’est ainsi que certains alternent un mois à Hamakaze puis un mois passé dans la rue, et ainsi de suite.
Sous la tente consacrée à la campagne hivernale pour les sans-abri de Kotobukichô en 2013. A l’extrême gauche, l’auteur.
Une autre raison de l’amélioration des statistiques concernant les sans-abri tient à l’extension des aides sociales (seikatsu hogo) afin de garantir l’application de l’article 25 de la Constitution, qui promet un « niveau minimum de confort matériel et culturel » à tous les citoyens. Auparavant, les hommes vivant dans les doya-gai ne pouvaient bénéficier de cette aide au motif qu’il fallait une adresse permanente, un dispositif inscrit dans aucune loi mais mis en place par les gouvernements locaux, privant ainsi d’aide ceux qui en avaient pourtant le plus besoin.
Après une intense campagne de contestation menée par l’association des travailleurs journaliers de Kotobukichô, la condition de disposer d’un logement permanent pour bénéficier de l’aide fut supprimée au milieu des années 90. Cet assouplissement ouvrit la porte à de nombreux nouveaux bénéficiaires. La population des doya est estimée à 6 500 habitants. Alors qu’il y a 20 ans, la plupart étaient des travailleurs journaliers, aujourd’hui, 80% d’entre eux vivent grâce à des allocations.
Une aide susceptible d’être diminuée
En termes de standards mondiaux, l’aide sociale japonaise est relativement généreuse, avec une allocation de 80 000 yens par mois, environ 50 000 yens pour le loyer et l’exonération des frais médicaux et dentaires, ce qui suffit à vivre parcimonieusement. Les doya-gai sont devenus plus humains, d’un point de vue social, par rapport à l’époque où les hommes étaient considérés comme des travailleurs « jetables », mis au rancart dès qu’il n’y avait plus de travail ou qu’ils étaient devenus trop vieux.
Cette générosité pourrait néanmoins ne pas durer. Les 5 000 habitants de Kotobukichô qui reçoivent l’aide sociale ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Alors qu’en 1995, on comptait 882 000 bénéficiaires au niveau national, leur nombre n’a cessé d’augmenter pour atteindre 2 158 000 en juin 2014. D’autre part, la dette publique nationale a dépassé le million de milliards ; localement, la ville de Yokohama est également confrontée à de sérieuses difficultés financières. Tôt ou tard ces deux problèmes contraindront le gouvernement à réduire les montants des prestations – en 2013, des mesures ont déjà été adoptées qui vont diminuer de 10% les versements.
À l’heure actuelle, les personnes âgées de Kotobukichô ne sont pas à plaindre. Des centres médicaux ont vu le jour dans les doya et les plus âgés sont suivis, nourris et amenés jusqu’au centre en chaise roulante si besoin est. Le niveau des soins fournis aux plus défavorisés dans une grande ville japonaise est impressionnant.
(D’après un article original en anglais du 10 novembre 2014.)