Il y a 50 ans, les Jeux olympiques de Tokyo…

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Fukiura Tadamasa [Profil]

Une époque de confusion internationale

Il faut dire que l’époque était évidemment celle de la Guerre Froide, et la situation politique mondiale était assez délétère pendant les Jeux olympiques de Tokyo. Au 7e jour du tournoi, la Chine continentale procéda à son premier test de bombe atomique. C’était la première entorse au principe de la trêve olympique depuis les Jeux olympiques antiques, et une action ouvertement méprisante envers les premiers JO asiatiques. Les clameurs de surprise et de déception qui s’élevèrent ce jour-là parmi les athlètes, les responsables et les journalistes de tous les pays, aussi bien au village olympique qu’en salle de presse restent pour moi ineffaçables.

L’Union Soviétique avait envoyé une importante délégation à Tokyo pour ces Jeux. Mais dans le même temps, elle ne cessa pas de faire survoler le pourtour de l’espace aérien japonais par ses avions de combats, obligeant à chaque fois les Forces d’autodéfense à des décollages précipités. Khrouchtchev fut destitué dans l’intervalle.

Le mur de Berlin venait d’être dressé, et pourtant les athlètes est-allemands et ouest-allemands participèrent au sein d’une même équipe unifiée. Le Comité d’organisation créa pour l’occasion un drapeau de trois bandes horizontales noir, rouge et jaune, qui étaient les couleurs communes aux drapeaux des deux Allemagnes, frappé en son centre des cinq anneaux olympiques en blanc.

Ikeda Hayato, Premier ministre (au centre), lors de son admission au Centre national contre le cancer (photo : Jiji Press)

Le lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques, le Premier ministre japonais Ikeda Hayato, démissionna pour être hospitalisé. Son successeur, Satô Eisaku, rétablit les relations diplomatiques avec la Corée du Sud, et finalisa le retour de Okinawa et Ogasawara sous la souveraineté japonaise, ce qui lui valut le Prix Nobel de la Paix en 1972. À dire les choses franchement, cette nomination fut une surprise pour les Japonais. Personnellement, je fus finalement convaincu que ce Prix récompensait le Japon dans son ensemble pour sa position constante depuis la fin de la guerre comme nation non-nucléaire pacifiste. Et certainement la magnifique déclaration qu’avaient représentée les Jeux olympiques en était la plus évidente manifestation.

Je suis né en 1941. Pendant ces années, le Japon est passé du statut de nation bénéficiaire de l’aide internationale à celui de premier donateur d’aide au développement. Il est si rare dans l’histoire des relations internationales qu’un pays ait eu ces deux expériences, je souhaiterais que cette expérience puisse bénéficier au monde, et pas seulement dans le domaine des sports et de la culture, mais également dans les domaines de la sécurité et du développement.

Le temps qui reste avant 2020 ne sera jamais suffisant, mais la clé de la réussite de ce vœu repose sur la stabilité de la situation internationale. Or, il faut avouer que la réalité est plutôt à la guerre dans de nombreuses régions, Ukraine, Syrie, Irak… Je souhaite que les Jeux olympiques ne soient pas seulement une sorte d’énorme « fête du sport » mais contribue réellement et de manière significative à la paix et à stabilité dans le monde.

 

(D’après l’original en japonais du 2 octobre 2014. Photo de titre : Cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Tokyo, 10 octobre 1964, Jiji Press)

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Fukiura TadamasaArticles de l'auteur

Président de l’Institut Eurasia 21. Né à Akita en 1941. Diplômé d’études doctorales en Sciences Politiques de l’Université Waseda. Fut précédemment employé du Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Tokyo, professeur de l’Université préfectorale de Saitama, représentant résident de la Croix-Rouge Internationale pour l’Indochine et le Bangladesh, vice-président de l’ Association d’aide aux réfugiés, avant d’avoir fondé l’Institut Eurasia 21. A œuvré de nombreuses années pour le retour à la souveraineté japonaise sur les quatre îles du nord en tant que vice-président de la Convention nationale pour la promotion des quatre îles. Auteur de « Atlas mondial par les drapeaux de tous les pays » (Kôbunsha Shinsho), « Henri Dunant et la Croix-Rouge » (Chûkô Shinsho), « Guide sur le volontariat humanitaire à l’étranger » (Jiyûkokuminsha), etc.

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