Propos sexistes à l’assemblée de Tokyo : une « crise » nationale

Société

Partager des principes communs

Bien entendu, le gouvernement Abe actuel ne répète pas ses erreurs passées. Le Premier ministre comme le porte-parole du gouvernement, lorsqu’ils sont interrogés sur le problème des femmes de réconfort, s’appliquent d’abord à commencer par rappeler leur volonté d’améliorer les questions relatives aux droits des femmes.

C’est que les critiques de la communauté internationale ont dû faire mouche. Ces dernières années, au fil des profonds changements sécuritaires en Asie orientale, l’expression « diplomatie des principes » a connu son heure de gloire, mais depuis la déclaration sur les femmes de réconfort, les choses se sont compliquées. Parce qu’avant de brandir de grands principes comme la démocratie, être pris en défaut dans le domaine des droits de l’homme éloigne de tout partage de valeurs fondamentales avec ses alliés. En 2007, cela a suscité la colère des responsables américaines de la diplomatie et de la sécurité qu’étaient Condoleezza Rice du Parti républicain et Hillary Clinton du Parti démocrate, et causé bien des soucis aux responsables de la diplomatie japonaise.

Le récent incident sexiste à l’assemblée métropolitaine s’est produit deux jours avant la remise à la Diète du rapport gouvernemental sur la déclaration Kôno de 1993. La déclaration Kôno, rédigée par Yôhei Kôno, alors porte-parole du gouvernement, reconnaît l’implication de l’armée dans l’enrôlement forcé des femmes de réconfort et présente les excuses et les regrets du Japon.

Le rapport gouvernemental en question avait pour objectif, délicat s’il en est, d’alléger les pressions exercées d’une part par les conservateurs japonais pour qui l’armée n’a procédé à aucun enrôlement forcé, et d’autre part par les Etats-Unis, critiques sur la question des femmes de réconfort. Juste avant l’annonce de ce rapport, ces propos sexistes ont entravé l’action du gouvernement en étalant au grand jour le manque de prise de conscience sur les questions liées au genre. S’il a fallu cinq jours avant que des excuses ne soient publiées, c’est sans doute parce qu’elles ont nécessité de nombreuses tractations touchant également à des problèmes diplomatiques.

Comment éradiquer le problème ?

Cependant, de simples excuses ne peuvent suffire à éradiquer le problème à sa racine. Parce que même dans le texte de ces excuses, une remarque sexiste comme « marie-toi et fais des gosses » n’est pas considérée comme blessante. Effectivement, ce quolibet n’est pas une simple attaque blessante. C’est de la discrimination. Imposer des valeurs traditionnelles à une femme investie de responsabilités publiques est une marque de mépris pour elle, et le problème est d’autant plus grave que son auteur n’en a pas conscience. De cette absence de conscience peuvent surgir d’autres déclarations problématiques comme celle sur les femmes de réconfort, et d’autres quolibets sexistes.

On constate certaines réactions surprenantes, selon lesquelles ces valeurs propres à la société japonaise n’ont pas à être commentées par des pays extérieurs mais, dans ce cas, il ne faudra pas s’étonner si les nations occidentales refusent de s’allier avec un pays qui ne partage pas leurs principes sur les droits de la personne. Si le partage de principes communs constitue la philosophie de la stratégie d’alliance du Japon, il me semble fort que le récent scandale sexiste laisse présager une crise diplomatique d’envergure nationale.

(D’après un original en japonais du 24 juin 2014. Photo : la députée Shiomura Ayaka essuie ses larmes après avoir été victime de quolibets sexistes durant la séance de questions à l’assemblée métropolitaine de Tokyo.) 

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