La longue route vers la réconciliation en Asie de l’Est

Politique

Kawashima Shin [Profil]

Les questions que devront aborder les générations après-guerre

Dans les années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux efforts ont été entrepris pour parvenir à une réconciliation avec la Chine et la Corée du Sud. Un mouvement d’amitié Japon-Chine s’est développé et de nombreux capitaines d’industrie japonais ont connu des temps difficiles et obtenu des résultats positifs pour construire des liens avec la Chine. Simultanément, les expériences en temps de guerre ont fourni une base pour la création de villes jumelées ou de liens similaires entre les gouvernements régionaux au Japon et en Chine, avec des localités qui servaient de base à des divisions armées ou des régiments pendant la guerre contre la Chine encourageant les échanges amicaux avec les régions chinoises occupées par ces unités militaires. Et les intellectuels japonais ont joué eux aussi leur rôle en menant des discussions intenses sur la responsabilité de la guerre ; ils ont également travaillé à examiner les échecs et les erreurs du Japon avant la guerre par le biais de discussions variées sur ce que certains ont appelé « la Guerre de Quinze ans » et le chemin qui y a mené.(*1)

Tout en continuant à revoir honnêtement les méfaits passés de notre pays, je pense que nous devons réexaminer les initiatives qui ont été prises jusqu’à maintenant dans la poursuite de la réconciliation et reconnaître ce qui leur manqué. Une mise au point sur la réconciliation devrait clarifier l’agenda des générations après-guerre qui n’ont pas été engagées dans le conflit. Bien que certains remettront probablement en question la nécessité pour le Japon de répéter les mots et les faits des décades allant des années 1950 à 1970, la société japonaise d’aujourd’hui doit parvenir à se constituer sa propre vision de la réconciliation.

Les « remords » et les « excuses » continueront à être importants dans ce sens, mais ce qui sera plus important encore que les mots utilisés, ce sont les actions qui seront prises pour réparer les défaillances antérieures dans la recherche vers la réconciliation. Je crois qu’il sera essentiel de montrer avec nos actions que nous n’avons pas oublié le passé et que nous souhaitons faire amende honorable.

La communauté internationale semble être entrée dans une ère dans laquelle le sentiment national joue un rôle important en parallèle aux préoccupations politiques et économiques. Les interprétations de l’histoire sont un élément clé pour la formation d’un sentiment national et la façon dont un pays aborde les questions historiques sont en relation avec son motus operandi (sa manière de faire) en tant qu’État. Ce qui sera important dans ce contexte, ce n’est pas de prendre de manière constante une attitude passive par rapport aux mots et aux actions des autres mais au contraire d’adopter une position claire en vue de la réconciliation – position accompagnée en permanence des actions adéquates. Ceci devrait être à l’ordre du jour pour l’État, pour les médias et pour les autres organes sociaux, comme pour chacun de nous en tant qu’individus.

(D’après un original en japonais écrit le 10 août 2015.)

(*1) ^ « La Guerre de Quinze ans » est une appellation qui recouvre les hostilités menées par le Japon pendant une décade et demie (en réalité un peu moins de 14 ans) de 1931 à 1945, considérant l’Incident de Mandchourie, déclenché en 1931, la Seconde Guerre sino-japonaise qui a suivi (1937-45) et la Guerre du Pacifique (1941-45) comme des parties étroitement liées d’un seul et même conflit.

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Kawashima ShinArticles de l'auteur

Président du comité consultatif de rédaction de Nippon.com. Né en 1968 à Tokyo, il obtient en 1992 un diplôme de chinois à l'Université des langues étrangères de Tokyo. Il étudie ensuite à l'Université de Tokyo où il passe son doctorat en histoire. D'abord maître de conférence à l'Université de Hokkaido, puis le même poste à l'Université de Tokyo, il devient professeur à la même université en avril 2015. Auteur notamment de Chūgoku kindai gaikō no keisei (La formation de la politique étrangère chinoise moderne), 2004, et de Kindai kokka e no mosaku 1894-1925 (Vers un état moderne, 1894-1925), 2010.

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