La longue route vers la réconciliation en Asie de l’Est

Politique

Kawashima Shin [Profil]

Le besoin suivi de remords et d’excuses sincères

Si nous considérons la situation actuelle en Asie de l’Est, y compris les frictions entre le Japon et ses voisins sur la question de l’histoire, nous pouvons difficilement dire que la réconciliation a été accomplie. Même ainsi, le Japon semble avoir atteint un certain niveau de réconciliation avec Taïwan et les pays de l’Asie du Sud-Est, en opposition avec l’état actuel de ses relations avec la Chine et la Corée du Sud.

La réconciliation est considérée comme fondée sur le principe de la réciprocité et nécessite des actions positives des deux côtés, dont des remords et des excuses sincères de la part de l’offenseur et un esprit de pardon de la part de la victime. Il est difficile de déterminer clairement si cette réconciliation « selon les règles » a été réellement accomplie avec Taïwan et l’Asie du Sud-Est. Les victimes semblent avoir adopté une attitude de « pardon, sans jamais oublier » vis-à-vis du Japon, mais des études plus poussées seraient nécessaires pour déterminer s’il s’agit là du résultat d’intentions et d’actions délibérées en vue d’une réconciliation entre les intéressés.

Comme on peut le voir, la réconciliation est un exercice d’équilibre extrêmement périlleux. Il est influencé par l’interaction complexe de facteurs variés, y compris l’environnement international et la situation politique interne. Et même après que les parties semblent s’être réconciliées, la situation peut changer. En d’autres termes, la réconciliation est un processus réversible.

Ainsi, même si le Japon semble s’être réconcilié jusqu’à un certain point avec les autres pays sur la question de l’histoire, il nous est impossible de mettre cette question de côté et de ne plus y faire attention. En tant qu’offenseur, le Japon doit toujours continuer à montrer un remords sincère et présenter des excuses pour ses actes passés. Avec le temps, la fréquence de ces excuses diminuera certainement, mais elles devront être suivies et conservées comme manifestations symboliques, et l’esprit de remords devra être passé aux futures générations par le biais de l’éducation. Dans le même temps, notre pays devra faire preuve de sensibilité pour traiter les différents changements de situation.

La Chine et la Corée du Sud : les durs

Dans le cas de la Chine et de la Corée du Sud, nous sommes loin d’en être arrivés même au « pardon, sans jamais oublier ». Dans ces deux pays, l’enseignement de l’histoire se concentre sur les infamies de l’agression japonaise et du régime colonial, et l’histoire de ces expériences est étroitement liée aux récits de la manière dont l’indépendance a été acquise et l’état actuel établi. Les mass médias de ces deux pays, dont les journaux et la télévision, réagissent promptement et à haute voix aux interventions en relation avec la question de l’histoire et ces réactions sont reprises et amplifiées entre eux. Et les réseaux sociaux dans les deux pays transmettent une réthorique extrémiste. Dans les forums internationaux, la Chine et la Corée du Sud présentent avec force leurs cas contre le Japon et nous les avons vues récemment intervenir de diverses manières pour contrer le Japon, même en relation avec la nomination des sites du patrimoine mondial.

Dans ces circonstances, il semble difficile que la réconciliation s’opère d’ici peu entre le Japon et la Chine ou le Japon et la Corée du Sud. Mais même ainsi, nous devons conserver à l’esprit le fait que l’utilisation de l’histoire comme un instrument à des fins politiques par l’autre partie ne nous autorise pas à négliger d’accomplir nos propres efforts en vue d’atteindre la réconciliation. Il n’est absolument pas nécessaire que le Japon accepte des demandes déraisonnables, pas plus qu’il n’est nécessaire pour nous d’adopter les opinions sur l’histoire professées par d’autres, mais nous devons certainement continuer à montrer notre détermination à parvenir à une réconcilation avec eux.

Suite > Les questions que devront aborder les générations après-guerre

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Kawashima ShinArticles de l'auteur

Président du comité consultatif de rédaction de Nippon.com. Né en 1968 à Tokyo, il obtient en 1992 un diplôme de chinois à l'Université des langues étrangères de Tokyo. Il étudie ensuite à l'Université de Tokyo où il passe son doctorat en histoire. D'abord maître de conférence à l'Université de Hokkaido, puis le même poste à l'Université de Tokyo, il devient professeur à la même université en avril 2015. Auteur notamment de Chūgoku kindai gaikō no keisei (La formation de la politique étrangère chinoise moderne), 2004, et de Kindai kokka e no mosaku 1894-1925 (Vers un état moderne, 1894-1925), 2010.

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