Un village japonais victime de la rage destructrice du mont Asama

Culture Catastrophe

James Singleton [Profil]

Les habitants de Kanbara, petite ville cachée entre les champs et vallons de la préfecture de Gunma, à l’ouest du Japon, connaissent bien le potentiel destructeur du mont Asama. Situé à 12 kilomètres au sud, ce volcan dominant à 2 568 mètres est rentré dans un énorme déchaînement à la fin du XVIIIe siècle, vomissant magma, cendres et roches loin à travers la région.

L’éruption cataclysmique du mont Asama est l’un des désastres naturels les plus largement documentés du début de l’époque moderne japonaise. Il aura duré quatre longs mois et engendré un terrible lahar, une coulée boueuse surchauffée et extrêmement rapide de débris de roches volcaniques, qui dévastera la communauté paisible d’agriculteurs.

La relative tranquillité du volcan depuis lors est considérée comme acquise parmi les habitants des villes environnantes, comme ceux de Karuizawa, une très populaire station de vacances de la préfecture de Nagano. Mais Kanbara garde encore vivante la mémoire des victimes de la tragédie et la déchirante histoire du petit groupe de survivants qui y échappèrent de justesse et se mirent à rebâtir leur village.

Le pavillon Kannon, à Kanbara
Le Kannon-dô, un pavillon dédié à la divinité Kannon, à Kanbara

Dans l’ombre du volcan

Durant l’époque d’Edo (1603-1868), Kanbara était une ville débordante d’énergie, servant de relais pour les transports de marchandises sur la route montagneuse du Shinshû (correspondant aujourd’hui à la préfecture de Nagano). Les marchands, pèlerins et autres voyageurs profitaient des nombreux auberges et maisons de thé pour se loger et se divertir après la traversée de la route bien sinueuse. Quant aux habitants, environ 570 au moment de l’éruption, ils vivaient pour la plupart de leurs maigres récoltes cultivées sur les sols rocheux et volcaniques, à savoir le blé, le millet, et autres exploitations convenant au climat et à l’altitude.

Mais ce paisible rythme de vie fut chamboulé au printemps 1783, la 3e année de l’ère Tenmei, lorsque le mont Asama sortit de son sommeil et commença à s’agiter. Au mois de mai tout d’abord, avec des séismes et des éruptions à petite échelle qui gagnèrent en intensité au fil des jours, jusqu’au milieu du mois de juillet, où le volcan cracha alors une énorme masse de fumée noire, tapissant les terres de ses cendres.

Depuis lors, les éruptions se poursuivirent presque de façon quotidienne. Les documents historiques parlent de destructions d’habitations et de cultures de grande ampleur, s’étendant sur des centaines de kilomètres. Non loin de là, à Karuizawa, qui était alors un relais de commerce important de la route de Nakasendô entre Edo et Kyoto, les pluies de cendres et de pierres volcaniques brûlantes bloquèrent toute circulation et mirent les habitants et les visiteurs dans un état de panique indicible.

Une image dépeignant le chaos de la ville de Karuizawa après les pluies de cendres et de pierres causées par l’éruption du mont Asama (photo avec l’aimable autorisation de Misaizu Hiroo)
Une image dépeignant le chaos de la ville de Karuizawa après les pluies de cendres et de pierres causées par l’éruption du mont Asama (Photo avec l’aimable autorisation de Misaizu Hiroo)

C’est dans la nuit du 2 août, à presque 4 mois depuis le début du désastre, que le mont Asama atteignit son pic de rage. Une fureur brute se déversa ainsi sans répit pendant 3 jours : des colonnes de feu et de cendres, régies par de phénoménales explosions qui se firent ressentir jusqu’à Kyoto même, à 300 kilomètres de distance. Le 5 août, il répandit de flambantes coulées de lave par le versant nord, dont une partie de ce flanc s’écroula par la suite. Les coulées aujourd’hui pétrifiées ont donné naissance au parc volcanique « Oni-oshidashi » .

Une representation de l’éruption du mont Asama (photo avec l’aimable autorisation de Misaizu Hiroo)
Une representation de l’éruption du mont Asama (Photo avec l’aimable autorisation de Misaizu Hiroo)

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James SingletonArticles de l'auteur

Traducteur et éditeur à nippon.com. Diplômé en Etudes asiatiques de l’Université d’Oregon en 1996, il s’installe dès la même année au Japon, où il étudie la langue et voyage en train ou à pied en quête de l’histoire, de la culture et des dialectes locaux. A également été instituteur en maternelle et père au foyer. Traducteur depuis 2008, indépendant et pour un grand fabricant japonais du secteur agroalimentaire, avant de rejoindre nippon.com en 2014.

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