
Le haïku, ou l’art de la concision
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Le haïku adapté à l’occidental
Si le haïku se reconnaît entre mille avec sa structure 5/7/5, la mise en forme et la traduction ne sont pas faciles à effectuer dans une langue occidentale. Dans cette dernière, le texte est disposé sur une seule ligne, alors qu’en japonais, il est disposé sur trois lignes. À l’origine, les haïkus étaient calligraphiés verticalement, de haut en bas, mais à l’heure actuelle, ils se présentent en général sous la forme d’une ligne horizontale qui se lit de gauche à droite.
Le haïku ci-dessous est l’œuvre de Den Sutejo (1634-1698), contemporaine de l’illustre Matsuo Bashô (1644-1694). Elle l’aurait écrit à l’âge de six ans en voyant les traits parallèles semblables au chiffre deux (ニ) tracés dans la neige par les deux dents de la semelle des socques en bois (geta).
雪の朝二の字二の字の下駄の跡
Yuki no asa / ni no ji ni no ji no / geta no ato
Matin de neige
Deux traces de geta
en forme de deux
Une autre différence entre le Japon et l’Occident tient à la façon de découper ce type de poème. Plutôt que de raisonner en termes de syllabes, les poètes de l’Archipel préfèrent compter en sons élémentaires (on) ou mores, en se basant sur les signes phonétiques (kana) du système graphique japonais. Ils considèrent ainsi que le mot haïku (ha-i-ku) est composé de trois hiragana (は・い・く) ou sons (on), bien qu’il se prononce comme s’il comportait deux syllabes(*1).
Premier point important : le « mot de saison »
Les haïkus sont par ailleurs censés contenir un « mot de saison » (kigo). Dans le poème de Den Sutejo mentionné ci-dessus, il s’agit de la neige (yuki) caractéristique de l’hiver. Dans un haïku où il évoque le fameux temple du Hôryû-ji de Nara, le grand poète Masaoka Shiki (1867-1902) utilise le kaki, fruit du plaqueminier, en tant que kigo de l’automne.
柿食えば鐘が鳴るなり法隆寺
Kaki kueba / kane ga narunari / Hôryûji
Je mange un kaki
Une cloche sonne.
Hôryû-ji
La règle qui veut que tout haïku inclue un mot de saison est due au fait que ce genre poétique s’est développé à partir de formes plus anciennes. Et la profondeur des associations créées par les kigo a contribué à leur maintien dans les haïkus classiques.
Pour composer des poèmes, les Japonais ont volontiers recours aux saijiki, littéralement « chroniques des événements de l’année ». Il s’agit de sortes de glossaires où les kigo sont classés en cinq catégories — printemps, été, automne, hiver et Nouvel An — avec des exemples à l’appui. Chaque partie est elle-même divisée en plusieurs sections dont chacune est consacrée à un thème, entre autres les animaux, les plantes, les paysages, les phénomènes naturels, les moments caractéristiques de la saison, les travaux saisonniers et la vie humaine.
Exemples de « mots de saison » (kigo)
Printemps | Fête des poupées (hinamatsuri), rossignol du Japon (uguisu), alouette (hibari), fleurs de prunier (ume), fleurs de cerisier (hana/sakura) |
Été | Arc-en-ciel (niji), clochette agitée par le vent (fûrin), kimono d’été (yukata), poisson rouge (kingyo), tournesol (himawari) |
Automne | Pleine lune du « 8e mois lunaire » (meigetsu), récolte du riz (inekari), balaou du Pacifique (sanma), daim (shika), feuilles d’érable rougies (momiji) |
Hiver | Gelée blanche (shimo), glaçons au bord du toit (tsurara), grue (tsuru), huître (kaki), clémentine (mikan) |
Nouvel An | Décor de la porte d’entrée avec branches de pin (kadomatsu), étrennes (en argent) pour les enfants (otoshidama), premier rêve de l’année (hatsuyume), première visite de l’année à un sanctuaire shintô ou un temple (hatsumôde), gâteaux de riz (mochi) |
(*1) ^ Les syllabes composées de deux kana comme しゅ (shu) et ぎょ (gyo) sont considérées comme un seul son (on) par les poètes de haïku. Quant à っ, utilisé pour indiquer une légère pause, il est traité comme un son à part entière.