La vérité sur la firme Dentsû : un succès à quel prix ?

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Yokoyama Yôji [Profil]

Dentsû, la plus grande agence de publicité du Japon, est connue pour ses « dix règles du démon », qui engagent chaque employé à donner leur maximum pour assurer le succès de la firme. Au cours de ses 20 ans de carrière avec ce géant nippon, Yokoyama Yôji a tout vu, des bizutages forcés aux extrêmes compétences du personnel. Il témoigne de son expérience pour nous, en tentant de casser les « on-dit » et rétablir la vérité.

Toujours la jouer collectif

Pour réussir un événement promotionnel ou une publicité télévisée, la collaboration entre un grand nombre de personnes, tant au sein de l’agence qu’à l’extérieur, est essentielle. Vous devez être capable de rassembler une équipe. Les employés habitués à la discipline de renforcement du mental d’un club de sport, par exemple, sont plus susceptibles de posséder de telles compétences de travail d’équipe. Ceux qui ont pratiqué des sports collectifs comme le rugby et le baseball ont tendance à être imprégnés d’un esprit d’équipe qui valorise le travail de groupe et la considération envers leurs coéquipiers. Travailler sous un chef de projet avec ce genre d’expérience vous apprend beaucoup sur la gestion des personnes.

Un haut degré de motivation est un autre secret du succès de Dentsû. Pendant la pandémie de coronavirus, une petite entreprise à laquelle j’offre mes conseils a lancé un nouveau projet pour lequel elle a tenu des réunions en ligne avec les meilleurs créateurs de Dentsû afin de développer de nouvelles sociétés et de nouveaux produits. L’expérience de travailler à nouveau avec les créateurs de l’entreprise pour la première fois en huit ans m’a fait comprendre que leur force réside dans leur créativité. Une fois combinées à la créativité que Dentsû exerce, les compétences de cette petite entreprise pouvaient être transformées afin d’innover.

Transformation globale

Pour conclure, j’aimerais parler de l’avenir de Dentsû.

Le géant est devenu un conglomérat d’entreprises avec un chiffre d’affaires annuel consolidé de plus de 5 000 milliards de yens. C’est une entité de plus en plus internationale, avec 60 % de ce chiffre d’affaires réalisé à l’étranger. Quand je parle à de vieilles connaissances au sein de l’entreprise, elles me disent que Dentsû est aujourd’hui dirigée comme une société occidentale.

La culture d’entreprise que Dentsû a favorisé est appelée à se transformer considérablement à l’avenir avec la mondialisation. La culture machiste et militariste que j’ai décrite ci-dessus commence déjà à changer. Dentsû devra également de plus en plus recruter du personnel à l’étranger, et donc modifier l’orientation de ses pratiques de recrutement sur les personnes « bien entourées » au Japon.

Les dix règles du démon

Les dix règles du démon, un ensemble de « commandements » rédigés en 1951 par le quatrième PDG de Dentsû, Yoshida Hideo connu sous le nom de « démon de la publicité » forment la base de la culture d’entreprise. Ces règles sont gravées dans l’ADN de tous les employés de Dentsû, et des questions à leur sujet apparaissent même dans les tests d’embauche. J’ai été informé qu’en 2015, après le drame d’une employée qui travaillait si dur qu’elle a fini par se suicider, Dentsû a cessé de faire mémoriser ces règles par les nouvelles recrues (mais elles subsistent). Cette évolution a rendu la transmission de la culture d’entreprise à la génération suivante plus difficile. La tendance au système du télétravail en raison du Covid-19 est également susceptible de changer la façon dont les nouveaux employés sont formés.

De plus, la mondialisation et les transformations de l’environnement commercial national forceront des changements dans la culture qui a soutenu la firme dans le passé. Les nouveaux aspects de la culture d’entreprise qui avait contribué au succès de Dentsû ne manqueront pas d’apporter avec eux des changements dans les qualités perçues chez ses futurs employés.

Je crois que Dentsû est obligé de formuler une nouvelle vision d’entreprise mieux adaptée aux transformations de l’environnement des affaires, et de réorganiser sa culture d’entreprise pour être plus compatible avec la mondialisation et les technologies modernes.

Les dix règles du démon

  1. Le travail n’est pas une chose que l’on vous assigne, mais une chose que vous faites pour vous-même.
  2. Ne prenez pas une position passive au travail, mais engagez activement les autres parties.
  3. Participez à de grands projets. Les petits projets vous rendent plus petit.
  4. Vous progresserez en visant haut et en exécutant des tâches difficiles.
  5. Une fois que vous avez commencé à travailler sur un projet, ne lâchez rien avant d’avoir atteint votre objectif, même si cela vous tue.
  6. Soyez un leader plutôt qu’un suiveur. Au fil du temps, l’écart entre ces deux groupes deviendra comme le jour et la nuit.
  7. Ayez un plan. Un plan à long terme vous donnera de la ténacité, de la créativité, des efforts justes et de l’espoir.
  8. Soyez confiant. Si vous manquez de confiance, votre travail manquera de puissance, de ténacité et de profondeur.
  9. Fournir un service signifie de toujours garder son sang-froid et de ne jamais montrer le moindre signe de faiblesse.
  10. Ne craignez pas la confrontation. La confrontation est la mère du progrès et nourrit une entreprise agressive. L’aversion pour la confrontation vous rendra timide et irrésolu.

(Photo de titre : les bureaux de Dentsû, dans le quartier de Shiodome, à Tokyo. Jiji Press)

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Yokoyama YôjiArticles de l'auteur

Né à Nagoya en 1968. Il étudié les sciences politiques, à la fois à l’Université de Waseda et aux États-Unis, avant de rejoindre la société Dentsû en 1992. A été engagé en 2009 pour diriger l’équipe de projet environnemental dans le groupe de planification sociale. Depuis 2010, il dirige le développement des affaires sociales dans le groupe des solutions sociales. En 2012, il quitte cette fonction pour occuper un poste de professeur agrégé d’études internationales à l’Université des études étrangères de Nagoya. Il quitte l’établissement en 2020 pour occuper des postes de conférencier à l’Université Tôkai Gakuin et à l’Université des Arts de Kyoto. Il travaille également en tant que consultant et producteur dans le domaine de la publicité.

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