
Récit d’un Japonais qui a « fui » Moscou avec sa femme russe et ses enfants malgré une vie agréable
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Internet de plus en plus réglementé en Russie
Sur Internet, la situation était différente : jusqu’en 2017, les médias jouissaient relativement d’une grande liberté. Le Kremlin a sans doute sous-estimé pendant longtemps la puissance d’internet. C’est grâce à cela que les mouvements anti-Poutine ont pu bénéficier d’une influence très importante en ligne, surtout sur YouTube. Et ils ont commencé à causer de réels ennuis au président russe.
Par exemple, la vidéo « Medvedev n’est pas un bon gars » publiée en mars 2017 par Alexeï Navalny, le youtubeur politique numéro un de Russie (3,77 millions d’abonnés), a révélé que l’ancien Premier ministre possédait plusieurs gigantesques villas.
Cette vidéo a été visionnée plus de 35 millions de fois. En assumant qu’elle a été vue presque uniquement par des Russes (car la vidéo est en langue russe), et que le pays a une population d’environ 146 millions d’habitants, cela veut dire qu’un Russe sur quatre l’a visionnée. D’énormes manifestations ont eu lieu dans tout le pays demandant plus de transparence. Le gouvernement russe est parvenu à surmonter cette crise en ignorant systématiquement les demandes des manifestants.
Mais il ne fait aucun doute que de nombreux citoyens ont été déçus par le régime de Poutine. Cet épisode lui a fait comprendre combien les médias en ligne étaient puissants, rendant inévitable un durcissement de la régulation d’Internet.
Le gouvernement de Poutine cherche depuis ses débuts à réglementer l’industrie des médias. Désormais, il impose aussi des restrictions sur Internet. (Sputnik/Kyôdô Images)
L’expansion des restrictions en ligne a commencé à avoir un impact négatif sur la vie privée des citoyens. Dans mon cas, je ne pouvais plus accéder à mon compte Amazon japonais, ce qui m’empêchait de suivre les ventes de mes livres. Je ne pouvais pas non plus entrer dans le site Magumagu News pour voir mes articles.
Mais ce n’est comme pas si ces restrictions avaient causé des dégâts destructeurs à ma vie personnelle. La question était de savoir si cette situation était un phénomène temporaire, ou si elle allait continuer de s’aggraver. Personnellement, après avoir analysé et comparé la Russie d’hier et aujourd’hui, j’ai estimé que ces restrictions se durciraient. Il serait trop compliqué pour moi de continuer à écrire dans un tel contexte.
C’est pourquoi j’ai décidé au début de l’année 2018 que je devais retourner définitivement au Japon. Après avoir fait de nombreux allers-retours entre les deux pays, j’ai pu rentrer au Japon avec ma famille.
Après 28 ans en Russie, une vie heureuse au Japon
Cela ainsi qu’a commencé notre nouvelle vie au Japon. C’est ma fille qui a le plus souffert de ce changement de pays. En première année d’école primaire quand elle était à Moscou, elle a intégré une classe de deuxième année au Japon alors qu’elle ne parlait pratiquement pas japonais et ne savait ni lire ni écrire de hiragana ou de kanji.
La première semaine, elle rentrait tous les jours à la maison en larmes, disant qu’elle voulait retourner à Moscou. Maintenant, deux ans plus tard, la situation s’est améliorée et elle aime aller à l’école. Ma femme et moi sommes rassurés car elle a de très bons amis. Mon fils, qui avait 3 ans lorsque nous avons déménagé au Japon, est entré dans une école maternelle. Je n’étais pas si inquiet que cela car même s’il ne parlait pas la langue, il pouvait jouer avec les autres enfants. Il s’est très vite entendu avec ses camarades. Aujourd’hui encore, il ne se passe pas un jour sans que je sois étonné par la capacité d’adaptation des enfants.
La famille Kitano sur une croisière dans la baie de Tokyo après son retour au Japon. (Photo fournie par M. Kitano)
Ma femme apprécie aussi sa nouvelle vie au Japon. Elle parlait déjà couramment le japonais avant de venir ici. Lorsqu’elle était étudiante universitaire, elle a vécu un an et demi au Japon dans le cadre de ses études supérieures de maîtrise. Je n’étais donc pas trop inquiet pour elle. Elle a beaucoup d’amis, notamment les autres mamans de la maternelle, de l’école primaire et les autres mères russes vivant au Japon. Elles discutent et partagent des informations sur l’application de messagerie LINE.
Quant à moi, ma vie d’écrivain n’a pas tant changé que cela comparé à Moscou. Maintenant que je suis au Japon, j’ai beaucoup plus de travail. À tel point que ces temps-ci, je manque de sommeil. Je suis heureux de vivre à nouveau au Japon après 28 années passées à l’étranger.
Notre vie à Moscou était confortable, mais je pense que le Japon est un pays différent des autres. Le principal atout est que c’est un pays sûr. Les parents à Moscou viennent généralement déposer et chercher leurs enfants à l’école jusqu’à l’âge de 12 ans, car ils s’inquiètent pour leur sécurité. Au Japon, dès la première année de primaire, les enfants se rendent à l’école par eux-même (beaucoup d’entre eux prennent le train). Dans d’autres pays, c’est tellement incroyable que des chaînes de télévision viennent au Japon filmer ces petits enfants allant à l’école seuls.
Mais il ne faut pas oublier que cet environnement sûr n’est pas un acquis. Il a été créé par les efforts continus des générations précédentes. Je veux contribuer, même si ce n’est qu’un peu, à le protéger.
(Photo de titre : M. Kitano, son épouse et leur fille aînée quand elle avait un an. Photo fournie par M. Kitano)