Les élections législatives : les partis se mettent en ligne pour la compétition du 22 octobre

Politique

Le coup d’envoi de la campagne en vue des élections à la Chambre des représentants, prévues pour le 22 octobre 2017, a été officiellement donné le 10 octobre. Dans la majorité des commentaires, ce scrutin a été présenté jusqu’ici comme un référendum sur le bilan du gouvernement du Premier ministre Abe Shinzô. Il semble que les jeux soient faits d’avance et que les cartes que le Parti libéral-démocrate de M. Abe et le Kômeitô, son partenaire de coalition, ont en main leur laissent peu de chances d’augmenter leur majorité à la Chambre basse, où ils détiennent actuellement 323 sièges sur un total de 475.

Le nombre total des sièges va être ramené à 465, suite à une redéfinition des circonscriptions visant à remédier aux disparités entre la valeur des suffrages des zones urbaines et rurales. Il y aura désormais 289 circonscriptions à siège unique, soit 6 de moins, et 176 sièges pourvus à la proportionnelle, soit 4 de moins. Le seuil minimum pour disposer de la majorité à la Chambre basse se situe maintenant à 233 sièges.

La question qui se pose désormais est de savoir si la coalition parviendra à conserver 310 sièges, le minimum des deux tiers requis dans les deux chambres de la Diète pour faire adopter des amendements à la Constitution japonaise. Les autres seuils pris en considération dans le débat sont celui des 261 sièges, qui représente le niveau de « majorité absolument stable » permettant à la coalition de conserver la présidence et une majorité de sièges dans toutes les commissions permanentes de la Chambre basse, et celui des 244 sièges, garant de la « majorité stable » qui autoriserait la coalition à présider les commissions et lui assurerait pour le moins la parité avec l’opposition en termes de nombres de membres au sein de ces dernières.

Vers une élection tripolaire

Les élections de ce mois d’octobre révèlent un changement spectaculaire du paysage politique, avec l’apparition soudaine du Kibô no Tô, le Parti de l’espoir, de Koike Yuriko, la gouverneure de Tokyo, et la désintégration du Parti démocrate (PD), dont certains membres ont rejoint le nouveau groupe de Mme Koike et d’autres ont fondé le Parti démocrate constitutionnel du Japon (PDCJ).

Maehara Seiji, le dernier dirigeant du PD, a annoncé le 28 septembre que son parti ne présenterait aucun candidat lors de la prochaine élection. Cette annonce a été suivie de diverses tentatives en vue de parvenir à une fusion effective avec le Parti de l’espoir, dans le cadre de laquelle les quelque 210 candidats que la première formation de l’opposition envisageait de présenter seraient entrés en lice sous la bannière du Parti de l’espoir. Ce projet a été balayé quand le nouveau parti de Mme Koike a déclaré qu’il accepterait des candidats à titre individuel, pour peu que leurs positions sur la sécurité et d’autres questions politiques coïncident avec sa plate-forme. À la date du 5 octobre, le Parti de l’espoir disposait d’une liste de plus de 200 candidats prêts à se présenter, mais à peine plus de 100 d’entre eux étaient d’anciens démocrates.

Dans le même temps, Edano Yukio, vice-président du PD, a annoncé le 2 octobre le lancement du nouveau PDCJ. Plusieurs démocrates du centre gauche, dont l’ancien Premier ministre Kan Naoto et l’ancien ministre de la Santé Nagatsuma Akira, se sont rassemblés sous sa bannière, et il peut désormais aligner plus de 70 candidats probables.

Le Parti de l’espoir a noué un accord de coopération électorale avec le Nippon Ishin (Parti japonais de l’innovation), de façon à éviter toute compétition directe entre leurs candidats respectifs dans les circonscriptions de Tokyo et d’Osaka. Le Parti communiste japonais, qui n’est pas en mesure de présenter ses propres candidats dans 67 des 289 circonscriptions à siège unique que compte la nation, a décidé quant à lui d’« unifier » sa campagne avec le PDCJ et le Parti social-démocrate, en apportant son soutien aux candidats qui affichent des positions politiques similaires aux siennes.

Ces initiatives ont débouché sur la formation d’un champ de bataille politique tripolaire, dont le premier côté est occupé par la coalition PLD-Kômeitô, le second par le Parti de l’espoir et le Nippon Ishin, et le troisième par le PDCJ, le PCJ et le PSD.

Le PLD sur la défensive ?

Lors des deux élections précédentes à la Chambre basse, qui se sont tenues en décembre 2012 et décembre 2014, le PLD a remporté confortablement la victoire. Mais cette fois-ci, le parti majoritaire semble en moins bonne posture, handicapé par la baisse des taux de soutien au gouvernement Abe consécutive aux accusations selon lesquelles le Premier ministre a usé de son influence pour faciliter une vente de terrain au rabais à l’école Moritomo Gakuen et pour avaliser la création d’une nouvelle école vétérinaire par Kake Gakuen dans une zone stratégique spéciale (les dirigeants des deux écoles ont des liens personnels avec M. Abe). Si l’on ajoute à cela la popularité de la gouverneure Koike et de son nouveau parti, ainsi que le mécontentement qu’ont suscité la dissolution de la Diète par M. Abe et sa décision impromptue d’organiser une élection, la coalition au pouvoir semble sur la défensive.

Le Premier ministre Abe a placé la barre très bas pour considérer l’élection comme un succès, puisque l’objectif qu’il s’est fixé se limite à conserver une majorité simple de 233 sièges pour la coalition PLD-Kômeitô. Sachant que ces partis détiennent actuellement 323 sièges à la Chambre basse, un aussi piètre résultat entraînerait très certainement des appels à la résignation de M. Abe.

Il est généralement admis que la coalition doit obtenir 311 sièges, soit la majorité de deux tiers, pour pouvoir vraiment clamer victoire. Le seuil inférieur se situe à 261 sièges, score que la coalition doit atteindre pour maintenir son emprise sur les commissions de la Chambre basse. Et, si le PLD perd 50 sièges ou plus, ce recul sera considéré comme le signe d’une chute spectaculaire de l’influence de son président, le Premier ministre Abe.

Le débat est voué à se focaliser sur la taxe à la consommation et la Constitution

Le Premier ministre Abe justifie la nécessité de cette élection par l’opportunité qu’elle va donner aux citoyens de se prononcer sur sa proposition d’augmenter les recettes provenant de la taxe à la consommation, qu’il projette de faire passer de son niveau actuel de 8 % à 10 % en octobre 2019, en vue de pourvoir aux besoins en matière d’éducation des enfants, notamment celle des plus jeunes. Un autre argument qu’il a invoqué à l’appui de sa décision subite d’appeler les électeurs aux urnes est la menace que représente le programme nord-coréen de développement en matière de technologie des missiles et d’armes nucléaires. Sachant que le PLD a inscrit la réforme de la Constitution dans sa plate-forme politique – plus précisément la réécriture de l’Article 9, qui spécifie le renoncement à la guerre, de façon à établir clairement que les Forces d’autodéfense constituent l’armée du Japon –, il n’est pas surprenant que la Constitution japonaise se soit retrouvée au premier plan du débat électoral, de concert avec les questions liées à la taxe à la consommation.

Le partenaire de coalition du PLD n’est pas aussi enthousiaste en ce qui concerne la réécriture de la loi fondamentale du Japon. La réduction des coûts liés à l’éducation figure toutefois dans le manifeste politique du Kômeitô, qui a aussi inclus dans ses engagements de campagne la gratuité de facto de l’enseignement préscolaire et de l’inscription dans les collèges privés.

Dans le camp de l’opposition, le Parti de l’espoir s’est fermement engagé à geler la taxe à la consommation à son niveau actuel. Ce nouveau venu sur la scène politique est favorable à la révision de la Constitution, mais hostile aux propositions du PLD en ce domaine. Parmi les projets politiques qui le différencient des libéraux-démocrates, figure aussi l’élimination complète du nucléaire de la liste des sources d’énergie utilisées par la nation.

Le Nippon Ishin, le PDCJ et les communistes se sont également prononcés contre toute hausse de la taxe à la consommation. Les deux derniers s’opposent fermement à toute révision de la Constitution. Enfin, un parti conservateur encore minoritaire et fondé en 2014, le parti « Cœur du Japon » (Nippon no kokoro), qui devrait présenter une poignée de candidats, veut que le Japon se dote d’une Constitution entièrement neuve et renforce sa défense.

(D’après un original en japonais du 10 octobre 2017. Photo de titre : les dirigeants des principaux partis politiques qui ont participé à un débat pré-électoral organisé le 8 octobre au Nippon Press Center à Tokyo. De gauche à droite : Yamaguchi Natsuo du Kômeitô, Abe Shinzô du PLD, Koike Yuriko du Parti de l’espoir, Shii Kazuo du Parti communiste et Edano Yukio du PDCJ. © Jiji)

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