« Minpaku » : vers une régularisation des locations touristiques illégales au Japon

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Au Japon, le nombre des touristes en provenance de l’étranger ne cesse d’augmenter. Dans le même temps, les propositions de location ponctuelle de maisons, appartements et autres chambres appartenant à de particuliers se multiplient. Le problème, c’est qu’en l’état actuel des choses, cette pratique – appelée minpaku (littéralement « hébergement chez l’habitant ») – est contraire à la Loi japonaise sur les activités hôtelières. Mais le gouvernement de l’Archipel est en train d’envisager l’établissement d’une réglementation autorisant les propriétaires de résidences privées à louer celles-ci à des touristes, dans certaines conditions. En 2020, Tokyo accueillera les XXXIIe Jeux olympiques d’été et de très nombreux visiteurs. Certains pensent que le minpaku pourrait constituer une solution efficace pour pallier le manque de chambres d’hôtels et d’auberges traditionnelles que connaîtront les grands centres urbains. Mais pour l’instant, ce système d’ « hébergement au noir » pose quantité de problèmes en termes de sécurité, d’hygiène et de troubles du voisinage.

Une façon commode de faire des affaires

Le 4 novembre 2015, la police de Kyoto a interrogé un agent de voyages de Tokyo et le responsable d’une auberge de style japonais (ryokan) de la ville de Yamagata à propos d’une affaire de location illégale de logements de Kyoto à des touristes étrangers. D’après les enquêteurs, les deux hommes auraient loué 36 des 44 appartements d’un immeuble d’habitation de quatre étages, pendant une période de trois mois à partir de juillet 2015. Le prix demandé était d’environ 7 000 yens (54,70 euros) par nuit dans le cadre d’un circuit organisé par une agence de voyages de Shanghai. D’après la police, qui a finalement retenu des charges contre les prévenus, entre 30 et 70 personnes par jour ont séjourné dans les dits appartements.

Devant la prolifération des locations touristiques illégales, l’industrie du tourisme japonaise a réagi en signalant les dangers que la pratique du minpaku représente en termes d’hygiène et de troubles du voisinage, ainsi que les effets négatifs que ces activités non déclarées ont sur ses propres résultats. D’après un membre de l’Association des hôtels et des auberges de Kyoto, la location de logements de particuliers situés dans les mêmes secteurs que les hôtels et les auberges fonctionnant en toute légalité est devenue un véritable problème.

Le rôle d’Internet

Le minpaku se pratique jusque dans les grands immeubles d’habitation de Tokyo, Osaka et d’autres grandes villes du Japon. Certains propriétaires louent au noir à des touristes étrangers non seulement les logements qu’ils ont acquis à des fins d’investissement mais aussi les chambres d’amis communes mises à la disposition des résidents pour héberger leurs hôtes, moyennant une somme modique. Dans un cas comme dans l’autre, les touristes se sont fait remarquer par des comportements si voyants que les autorités sanitaires et la police des villes concernées ont eu droit à des plaintes de voisins mécontents.

Internet contribue grandement au développement rapide du minpaku en facilitant les contacts entre les propriétaires et les touristes en quête d’un hébergement. D’après la plateforme américaine de recherche et de location de logements de particuliers Airbnb, le nombre des références japonaises inscrites sur son site a quintuplé en un an et atteint le chiffre record de 16 000.

Mais la législation japonaise n’autorise pas la pratique du minpaku. Elle stipule aussi que les établissements offrant un service d’hébergement doivent comporter obligatoirement une réception, tenir un registre et équiper leurs chambres d’extincteurs automatiques à eau et autres équipements anti-incendie. Et même les minshuku, où les hôtes dorment sous le même toit que la famille qui leur loue des chambres, doivent obtenir une autorisation des autorités régionales avant de se lancer dans ce genre d’activité.

Une pénurie de chambres d’hôtel due au développement rapide du tourisme

Les grandes villes de l’Archipel souffrent d’une pénurie chronique de chambres d’hôtel en raison de l’augmentation constante du nombre des touristes étrangers. Le taux d’occupation des établissements hôteliers est supérieur à 80 %, ce qui rend les réservations difficiles, et cette situation est devenue la norme dans les centres urbains. En août 2015, les hôtels de Tokyo ont fonctionné à 83,6 % de leur capacité et à Osaka, ce taux a même atteint 90,4 %. À l’heure où la capitale du Japon se prépare à accueillir les Jeux olympiques et paralympiques de 2020, on est en droit de se demander s’il y aura assez de chambres d’hôtels et de ryokan pour accueillir toutes les personnes qui viendront y assister.

D’après l’Institut de recherches Mizuho, le Japon devrait recevoir vingt-cinq millions de visiteurs par an d’ici 2020. Mais on s’attend aussi à ce que 11 préfectures de l’Archipel, à commencer par ceux de Tokyo, Osaka et Fukuoka, accusent chacun un déficit de quelque 10 000 chambres. De nombreuses voix se sont donc élevées pour demander au gouvernement de lever l’interdiction concernant la location des logements de particuliers aux touristes. Les agences de voyage de Tokyo espèrent vivement que sa réponse sera positive et beaucoup d’entre elles sont déjà prêtes à ajouter le minpaku à leurs activités.

La création de « zones spéciales »

Le gouvernement japonais a lui aussi commencé à réagir. En octobre 2015, la commission gouvernementale sur les zones spéciales stratégiques nationales a décidé de créer des « zones spéciales » notamment dans l’arrondissement d’Ôta, à Tokyo, qui est proche de l’aéroport de Haneda. Elle a en même temps stipulé, entre autres conditions, que les logements loués dans le cadre du minpaku devaient avoir une surface au sol d’au moins 25 m2.

Lors d’une réunion de cette commission, le Premier ministre Abe Shinzô s’est félicité de la création de ces « zones spéciales » parce qu’elles constituent un premier pas vers une réforme qui devrait rendre le séjour des visiteurs étrangers plus facile et plus agréable.

À peu près au même moment, la préfecture d’Osaka a pris des mesures autorisant la pratique du minpaku, à condition que les propriétaires vérifient les passeports de leur hôtes, que les locaux loués aient une superficie d’au moins 25 m2, avec une cuisine et l’air conditionné, et que les locataires effectuent sur place un séjour d’au moins 7 jours. Malgré ces progrès indéniables, beaucoup de questions restent encore en suspens. On peut se demander par exemple comment se fera le contrôle des passeports et si les touristes disposés à rester au moins une semaine seront très nombreux.

Au mois de novembre, le ministère de la Santé et le ministère du Tourisme japonais ont commencé à préparer une réglementation concernant la sécurité et l’hygiène dans ce type de location, de façon à réduire les problèmes posés par la pratique du minpaku. Ils ont prévu de publier un rapport au cours de l’année 2016.

Minpaku

Nombre estimé des touristes étrangers venus au Japon 20 millions en 2015 ⇒ 25 millions en 2020
Taux d’occupation des chambres d’hôtel en août 2015 70,2 % au niveau national
83,6 % à Tokyo
90,4 % à Osaka
Références de locations touristiques japonaises sur Airbnb 16 000
un chiffre multiplié par cinq en un an
Conditions liées à la pratique du minpaku dans la préfecture d’Osaka 1. Vérification des passeports des locataires
2. Surface au sol de 25 m2 au minimum, avec cuisine et air conditionné
3. Durée du séjour minimale de sept jours
(D’après un texte original en japonais de Murakami Naohisa du 14 décembre 2015. Photo de titre : des touristes chinois font du shopping dans le quartier de Ginza, à Tokyo, le 14 juin 2015. Jiji Perss.)
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