Le sauvetage des fresques du tumulus de Kitora : un travail de haute précision

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Le village d’Asuka, dans la préfecture de Nara, abrite une grande sépulture – le tumulus de Kitora – dans laquelle les archéologues ont découvert une chambre funéraire ornée de remarquables fresques. Celles-ci représentent plusieurs animaux mythiques, dont l’« oiseau rouge » et le « tigre blanc », ainsi qu’une étonnante carte du ciel. Ces peintures murales réalisées il y a quelque treize siècles ont été soigneusement transférées et reconstituées dans un musée situé non loin de là. Mais ce travail, qui a duré douze années, n’a pas été une mince affaire comme l’explique Hayakawa Noriko, l’auteur de l’article qui suit.

Une lutte implacable contre les microorganismes

La décision de retirer les fresques du tumulus de Kitora de leur emplacement d’origine a été prise dès septembre 2004, mais il a fallu plus de six ans pour mener cette tâche à bien. Entretemps, les spécialistes ont dû prendre des mesures pour éviter que les peintures ne continuent à se détériorer. A l’intérieur de la chambre funéraire, le taux d’humidité relative de l’air était en effet proche de 100 % et un changement brutal du degré hygrométrique risquait de dessécher les fresques et de les détacher de leur support. Une structure protectrice a donc été édifiée au-dessus de la tombe pour pouvoir maintenir les peintures dans des conditions stables en contrôlant en permanence la température et le degré d’humidité ambiants.

L’atmosphère humide de la chambre funéraire constituait par ailleurs un milieu idéal pour la prolifération des microorganismes. Avant d’y pénétrer, les personnes chargées du travail de restauration devaient, entre autres, prendre des douches d’air, revêtir des combinaisons et des masques étanches à la poussière et utiliser des produits désinfectants de façon à ne pas introduire de microbes à l’intérieur. Les peintures ont fait en outre l’objet d’examens réguliers et de traitements antimicrobiens.

Un travail sans marge d’erreur possible

Les fragments d’enduit prélevés sur les parois de la tombe en 2004, pendant la première phase des travaux, étaient d’une consistance relativement tendre, en dépit de leur épaisseur. Il était donc possible de les retirer à l’aide de spatules et de couteaux. Mais par la suite, il a fallu avoir recours à une scie à fil diamanté pour enlever certaines parties où l’enduit était plus dur et plus fin.

Pour retirer la fresque du kofun de Kitora représentant le suzaku de son support d’origine, il a fallu recourir à une scie à fil diamanté.

Ce type de scie a la particularité d’être doté d’un fil recouvert de poussière de diamant qui ne casse pas, même lorsqu’il s’agit de couper des objets très durs. Il permet de faire des coupes précises et régulières en limitant au maximum la quantité de matériau perdue au contact de la lame.

Cependant, l’épaisseur de l’enduit sur lequel ont été réalisées les peintures de la tombe de Kitora n’était pas uniforme pas plus que celle de la paroi de pierre qui se trouvait en dessous. C’est pourquoi les techniciens ont commencé à s’entrainer au maniement de la scie à fil diamanté sur des fresques factices créées spécialement à cet effet. Il n’était pas question de commettre la moindre erreur sur les originaux ! C’est ainsi que, grâce à une préparation minutieuse, ils ont réussi à retirer la fresque du suzaku qui ne mesurait par endroits que quelques millimètres d’épaisseur.

Une autre préoccupation majeure des restaurateurs était d’éviter que les peintures ne se fissurent après leur retrait et pendant leur transport. Pour ce faire, ils ont fabriqué des feuilles adhésives de plastique renforcé de fibres qu’ils ont appliquées directement sur les fresques en guise de première couche de protection. Ce matériau avait l’intérêt de s’adapter aux différentes épaisseurs de l’enduit et à la configuration de ses emplacements divers et variés, entre autres les parties incurvées du plafond de la tombe. Les feuilles ont été réalisées avec de fines fibres résistantes aux microorganismes et une substance adhésive soluble à l’éthanol.

Les techniciens ont ensuite appliqué une seconde couche de matériau synthétique plus résistante qui avait de surcroît l’avantage d’être transparente et de permettre de vérifier l’état des fresques durant leur retrait. Pour les parties incurvées du plafond de la tombe où se trouvait la carte du ciel, il fallait non seulement que le dit matériau puisse être appliqué de façon à se fixer sur la fresque aussitôt après qu’il en ait pris la forme mais aussi qu’il soit assez solide pour résister au poids de l’enduit. Le choix des spécialistes s’est finalement porté sur un polymère renforcé de fibres (FRP).

Suite > La reconstitution des fresques après leur retrait de la tombe

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