L’isolement social au Japon

Personnes isolées sans emploi : un phénomène préoccupant pour le Japon

Société

Genda Yûji [Profil]

L’économie japonaise donne quelques signes de reprise mais la société est confrontée à une question de plus en plus préoccupante : le nombre de personnes âgées de 20 à 59 ans qui n’ont jamais été mariées et sont sans emploi augmente rapidement. Genda Yûji tire l’alarme face à cette nouvelle réalité.

Presque deux fois plus de SNEP en 10 ans

Qui sont ces SNEP, un groupe encore presque inconnu en dehors du Japon ? Des personnes âgées de 20 à 59 ans qui remplissent les trois conditions suivantes : elles ne travaillent pas, n’ont jamais été mariées, et passent le plus clair de leur temps seules ou avec leur famille. Cette définition fait probablement venir à l’esprit les « hikikomori », le terme désignant les personnes qui vivent depuis au moins six mois sans jamais sortir de chez elles.

Le mot hikikomori a commencé à être utilisé au Japon dans les années 1990. Jusqu’à présent cependant, on ne disposait pas de vue d’ensemble sur le phénomène, mais uniquement de vues parcellaires, concernant des cas spécifiques.

Les enquêtes statistiques de grande ampleur réalisées tous les cinq ans depuis 1976 par le gouvernement japonais permettent d’appréhender la situation actuelle des SNEP de manière détaillée. Intitulées « Enquête emploi du temps et activités de loisir », elles portent sur un échantillon de 200 000 personnes à travers tout le pays, à qui l’on demande d’indiquer leurs activités de quinze minutes en quinze minutes sur une période de 48 heures, soit deux jours, sélectionnée de façon aléatoire. Les participants sont interrogés sur leurs activités quotidiennes, repas, sommeil, études, travail, et sur les personnes en compagnie desquelles ils les ont effectuées. L’analyse des réponses fait apparaître la réalité des SNEP.

Tout d’abord, combien de personnes cela concerne-t-il ? En 2001, elles étaient 850 000, et dix ans plus tard presque le double, 1,62 millions. Un autre néologisme japonais, « freeter »(*1), désigne les jeunes qui ont terminé leurs études et n’ont jamais travaillé autrement que dans des emplois précaires. Le gouvernement estime aujourd’hui le nombre de freeter, ou jeunes travailleurs précaires, à 1,76 millions. Leur proportion au sein de la population active connaît une augmentation croissante, mais il existe simultanément un nombre de SNEP qui n’arrivent même pas à occuper d’emploi précaire.

(*1) ^ Formé à partir de l’anglais « free » et de l’allemand « arbeiter » (travailleur).

Suite > Le Japon, premier pays au monde à être confronté au problème des SNEP

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Genda YûjiArticles de l'auteur

Né en 1964, professeur de sociologie à l’Université de Tokyo où il a fait des études d’économie. Après avoir été chercheur invité à l’Université d’Harvard, puis d’Oxford, il devient professeur à l’Université Gakushûin jusqu’en 2007, année où il obtient la même position à l’Université de Tokyo. Son dernier ouvrage est intitulé Koritsu mugyô — SNEP (Les personnes solitaires sans emploi). Membre du comité consultatif de rédaction de Nippon.com depuis avril 2014.

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