L’aventure de Hard Lock Industry
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Jusqu’à 20 000 paires de boulons / écrous sont nécessaires à l’assemblage d’une rame 16 voitures d’un train à grande vitesse Shinkansen. Sur des trains qui filent à plus de 250 kilomètres par heure, un seul boulon qui lâche peut causer une catastrophe majeure. Des contrôles de sécurité minutieux et le resserrage régulier des boulons permettent de prévenir les accidents, mais impliquent des investissements importants en temps et en argent. Wakabayashi Katsuhiko dont l’invention a permis au Shinkansen de fonctionner en toute sécurité et à moindre coût, année après année, est un héros méconnu. Ce président de 87 ans (en 2020) de l’entreprise Hard Lock Co., Ltd, a révolutionné la sécurité ferroviaire en inventant un écrou unique qui ne se desserre jamais.
Informations sur l’entreprise
Nom de la société : Hard Lock Industry Co, Ltd.
Adresse : 1-6-24 Kawamata, Higashi Osaka, Osaka 577-0063
Représentant : Wakabayashi Katsuhiko, Président
Activité : fabrication et vente d’écrous auto-serrants, écrous porteurs auto-serrants, contre-écrous aérospatial, boulons et vis auto-serrants et autres produits (tous brevetés)
Capitalisation : 10 millions de yens
Effectifs : 89 salariés
Site internet: http://www.hardlock.co.jp/en
Une application à deux écrous du principe mécanique du coin
L’idée derrière l’écrou auto-serrant est simple : c’est le principe du coin pour bloquer l’écrou en place. Un coup de marteau sur un coin entre l’écrou et la vis d’assemblage est suffisant pour bloquer définitivement le boulon et empêcher le desserrage. Mais en réalité, cette méthode est difficilement réalisable en atelier car elle exigerait des ouvriers qu’ils introduisent un coin à chaque fois qu’ils assemblent un boulon.
Wakabayashi a eu l’idée d’utiliser deux écrous de forme différente, un mâle et un femelle par boulon. L’écrou femelle (ou écrou supérieur) présente une concavité parfaitement sphérique, mais l’écrou mâle (ou écrou inférieur) présente une faible excentricité, avec un coin mince d’un côté et un coin plus épais de l’autre. Lorsque l’écrou femelle est serré sur l’écrou mâle, l’effet produit est le même qu’un coup de marteau sur un coin.
Une rencontre qui a changé sa vie
Wakabayashi a reconnu pour la première fois les opportunités de développement de l’écrou à l’issue d’une visite à la Foire Commerciale Internationale d’Ôsaka en 1961, où il était tombé sur un écrou muni d’un mécanisme pour l’empêcher de se desserrer. Il en acquis un exemplaire pour étude, et découvrit que l’écrou en question était muni d’un mécanisme complexe comprenant un fil d’acier inox pour solidariser l’écrou à la vis d’assemblage. Cela rendait l’élément très cher. Wakabayashi pensa qu’il devait certainement exister un moyen plus simple et moins coûteux de fixer des écrous.
Il pensa tout d’abord à une méthode consistant à fixer un ressort à lame sur la tige de la vis d’assemblage. Ce système s’avéra déjà très efficace pour empêcher les écrous de se desserrer, et en 1962, Wakabayashi, associé à son frère et à un ami, créa une société pour produire et vendre ce nouveau type d’écrou, qu’il nomma le « U-nut » ou « écrou en U ». Pendant une décennie, l’entreprise connut une croissance soutenue. Mais Wakabayashi se trouva face à une nouvelle difficulté.
Plusieurs cas lui parvinrent dans lesquels ses écrous en U avaient fini par prendre du jeu, en particulier quand ils étaient utilisés dans des brises-roche, des sonnettes, et d’autres équipements soumis à de fortes secousses continues. Et les plaintes se faisaient plus fréquentes au fur et à mesure que la gamme des applications industrielles de l’écrou en U s’étendait. Wakabayashi se rendit compte qu’il lui fallait revenir à la planche à dessin.
Un jour de la fin de l’année 1973, l’inspiration vint. Il marchait en regardant le Torii qui marque l’entrée du sanctuaire Sumiyoshi, non loin de son domicile, à Osaka, lorsque son regard fut attiré par les coins qui maintiennent la barre centrale en place. « Si je pouvais utiliser un coin comme ça…, se dit-il, les boulons deviendraient résistants aux vibrations les plus sévères ». Aussitôt, il revint à la question fondamentale : comment enfoncer un coin dans l’espace entre la vis d’assemblage et l’écrou. Cet indice venant de l’un de ces sanctuaires qui sont des objets du paysage quotidien au Japon « était peut une sorte d’inspiration divine », dit-il.
Les débuts de Hard Lock Industry
Convaincu qu’il avait un produit gagnant entre les mains, Wakabayashi décida de tout miser sur ce nouvel écrou baptisé Hard Lock et fonda sa société actuelle en 1974. Il revendit l’entreprise des écrous en U à des associés pour presque rien. Toujours produit à l’heure actuelle, l’écrou en U reste l’un des principaux concurrents de l’écrou Hard Lock.
Une percée majeure pour le nouveau produit survint en 1976 lorsque Wakabayashi remporta un contrat auprès d’une compagnie de chemin de fer d’Osaka pour la fourniture des écrous de ses machines électriques. De là, l’entreprise gagna en puissance. L’écrou obtint d’excellents résultats lors des tests de vibration effectués les normes les plus exigeantes du monde, celles de l’aérospatiale américaine. Bien que coûtant quatre ou cinq fois plus cher que l’écrou classique, l’écrou Hard Lock ne nécessite aucun entretien une fois en place. Il en résulte une économie substantielle sur le long terme en entretien.
Les écrous Hard Lock sont utilisés par les chemins de fer en Australie, Grande-Bretagne, Chine, Pologne et Corée du Sud, et ils ont aidé Taiwan High Speed Rail à battre un record mondial sans aucun accident grave depuis sa mise en service en 2007. Lorsque les performances exceptionnelles de l’écrou Hard Lock ont été présentées dans un documentaire de la BBC sur les accidents ferroviaires en 2006, les entreprises de chemin de fer de Grande-Bretagne sont passés à l’écrou Hard Lock du jour au lendemain.
L’usage des écrous auto-serrants Hard Lock ne s’est pas limité aux chemins de fer du monde entier. Ils ont également été utilisés dans l’assemblage du plus long pont suspendu du monde, le pont Akashi-Kaikyô, et sur Tokyo Sky Tree, la plus haute tour de radiodiffusion du monde. Aujourd’hui, les écrous sont utilisés dans le monde entier dans toute sorte d’équipements lourds, tels que les excavatrices marines. Ils ont même été utilisés sur les plateaux de lancement de la navette spatiale.
La société a également été approchée par Boeing et Rolls-Royce Holdings. Wakabayashi et son équipe sont actuellement sur la recherche d’un écrou plus léger, pour application dans l’industrie aéronautique.
L’ardeur de l’inventeur
Même depuis le succès international de l’écrou auto-serrant Hard Lock, Wakabayashi refus de se reposer sur ses lauriers. Il continu à développer de nombreuses innovations, y compris l’écrou Space Lock (un écrou simple mais avec une efficacité renforcée) et l’écrou Hard Lock Bearing (un écrou auto-serrant Hard Lock pour applications porteuses à rouleaux).
Wakabayashi est également un fervent collectionneur de trains miniatures, à qui il attribue l’inspiration de certaines de ses idées les plus innovantes. Une impressionnante collection de trains miniatures est exposée au deuxième étage de l’une des usines de l’entreprise. L’un de ses plus belles pièces est un train miniature assez grand pour transporter 10 personnes autour d’une piste de 100 mètres de long. les visiteurs grimpent à l’usine pour monter à bord. « Que ce soit au travail ou pour le loisir, dit-il, rien ne me donne plus de plaisir que de rendre les gens heureux ». Inutile de dire que, les rails sont fixés au sol par des écrous Hard Lock : la sécurité des passagers est assurée.
(Photographies par Onoe Tatsuya. Article de 2012, édité en décembre 2020)